L'Orient à feu et à sang
métier pouvant rejoindre les rangs.
Lorsque l’assaut des Sassanides avait échoué, ces derniers avaient complètement abandonné le champ de bataille, tirant leurs mantelets et leurs balistes hors de portée, ainsi que les plus chanceux de leurs blessés. Le lendemain, ils étaient restés dans leur camp pour faire le deuil de leurs morts à grand renfort de musique débridée et de lamentations aiguës qui écorchaient les oreilles occidentales. Puis, leur peine apaisée, ils s’étaient à nouveau consacrés au siège.
L’unique tour de siège restante, celle qui était passée à travers le toit d’une tombe souterraine, fut tirée dans le camp sassanide où l’on s’empressa de la démanteler entièrement. La majeure partie du bois fut réutilisée pour construire un très grand abri roulant, que les légionnaires appelaient « tortue ». Bagoas fut heureux d’apprendre à qui voulait l’entendre ce que la tortue abriterait – rien de moins que le fameux Khosro-Shapur, la célèbre gloire de Shapur, le puissant bélier qui avait défoncé la double muraille de la ville d’Hatra. Pendant quinze ans après ce jour glorieux, le Khosro-Shapur avait reposé sous l’œil bienveillant du dieu. Aujourd’hui, Mazda avait soufflé au roi des rois de mettre à nouveau le grand bélier à contribution et de donner une nouvelle preuve des prouesses qu’il pouvait accomplir. Il devait avoir été transporté en pièces détachées et on le rassemblait maintenant afin de le suspendre à d’énormes chaînes sous la tortue. Bagoas n’en démordait pas : rien, absolument rien : ni porte ni muraille ne pouvait y résister.
Treize jours s’étaient écoulés depuis l’assaut et tout allait recommencer. Ballista contemplait la silhouette ramassée de la tortue abritant le Khosro-Shapur, se demandant s’il en avait fait assez pour l’empêcher d’approcher et de nuire. Il avait certes fait ce qu’il avait pu pour remplacer les morts et les blessés. Deux soldats de la turme de Cohors XX commandée par Antiochus sur le mur nord avaient été transférés parmi les equites singulares. Dix légionnaires de Legio IIII de la centurie de Lucius Fabius basée à la Porta Aquaria sur le mur est avaient rejoint les artilleurs de Mamurra. Ballista remarqua que l’un des remplaçants sur les remparts de la porte de la Palmyrène n’était autre que Castricius, le légionnaire qui avait découvert le corps de Scribonius Mucianus. Quatre cents hommes du numerus d’Iarhai avaient été postés sur le mur ouest, en face du désert. Ballista avait apporté quelques précisions : trois cents d’entre eux devaient être des mercenaires et seulement cent des conscrits nouvellement incorporés ; le synodiarque devait commander ses hommes en personne ; Bathshiba ne devait pas se montrer sur les remparts. (Ballista se promit de réfléchir plus tard, lorsqu’il en aurait le temps, à cette étrange et nouvelle réticence à combattre de la part d’Iarhai). Grâce à ces nouvelles dispositions, la muraille ouest serait presque aussi bien défendue qu’avant l’assaut. Cependant, elles impliquaient que les autres murs ne fussent plus gardés que par deux cents mercenaires chacun, épaulés par un petit nombre de soldats romains réguliers et, dans le cas des murailles est et sud, par une foule de conscrits. Ballista savait que, au fur et à mesure que le siège durerait et que les pertes augmenteraient, il devrait s’en remettre de plus en plus aux conscrits locaux ; ce n’était pas une pensée apte à le rassurer.
Dans la plaine, sous le levant, le Drafsh-i-Kavyan, l’étendard de bataille de la maison des Sasan, brillait de mille feux – rouges, jaunes, violets – tandis qu’il s’approchait du grand bélier, suivi par la silhouette désormais si familière de Shapur montant son cheval blanc. À son arrivée, les magi commencèrent le sacrifice. Ballista fut soulagé de voir que, malgré leur goût notoire pour la nécromancie, aucun homme ne tenait le rôle central. Il n’y avait aucun prisonnier romain en vue.
Deux des balistes des assiégés avaient été endommagées pendant l’assaut. On en avait réparé une et remplacé l’autre par un engin de rechange pris dans l’arsenal. Trois des pièces d’artillerie ennemies avaient été touchées ; deux à l’approche des murs, une pendant la retraite. On voyait qu’elles avaient été remplacées. Cependant, aucune autre n’avait été
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