L'Orient à feu et à sang
Maintenant !
Au signal de Ballista, des légionnaires se levèrent et firent face à l’orage de flèches. Près de lui, deux d’entre eux tombèrent à la renverse. Nullement démontés, les survivants, grognant sous l’effort, hissèrent sur les remparts les énormes sacs trempés faits de peaux cousues ensemble et remplis de paille. Ils basculèrent comme de gros matelas gorgés d’eau. Les cordes fixées au parapet se tendirent et les sacs vinrent battre contre la porte. Regardant par-dessus les remparts, Ballista vit qu’il avait bien calculé la longueur des cordes. La porte de la Palmyrène était maintenant comme capitonnée et pouvait absorber les coups de bélier. Les sacs trempés ne brûleraient pas. Ballista avait gagné un peu de temps. Au-dessus de la tête des assiégés, les flèches des trois grues se déplaçaient vers l’extérieur.
Après une pause très brève, l’arrière de la tortue déversa une foule de guerriers sassanides. Ils portaient des faux à long manche. Ballista était à la fois déçu et rempli, malgré lui, d’admiration pour Shapur et ses hommes. Ils s’étaient attendus à semblable stratagème. Rien d’étonnant à ce qu’ils eussent conquis Antioche, Séleucie et tant d’autres villes, il y a quelques années. Jamais les Barbares que Ballista avait affrontés dans le passé ne s’étaient montrés aussi experts dans l’art d’assiéger les villes.
À découvert, au pied de la porte, les Perses tombaient comme des mouches. Pourtant, chaque mort était aussitôt remplacé par un guerrier bondissant qui se saisissait de sa faux. « Foutus fanatiques ! », pensa Ballista. Une à une, les cordes furent coupées et les sacs trempés tombèrent lourdement à terre. Il se maudit de n’avoir pas pensé à utiliser des chaînes, mais il était trop tard maintenant pour s’en soucier.
Le portail extérieur de la porte d’Arété était désormais vulnérable. Le grand bélier avança, ses cornes se rapprochaient dangereusement.
Ballista se leva et fut accueilli par une grêle de projectiles. De son bras droit levé au-dessus de sa tête, il commença à guider vers sa cible le grappin d’une des grues : « Un peu à droite, un peu plus, arrêtez, reculez un peu, baissez, baissez. » Les projectiles sifflaient à ses oreilles. Une flèche se ficha dans son bouclier, le faisant chanceler. Une autre rebondit contre le parapet et passa tout près de son visage.
Le grappin accrocha le bélier, juste derrière sa tête de métal. Ballista fit signe à la grue de lever. Les chaînes se tendirent, la flèche grinça ; le grappin glissa un peu avant de s’accrocher solidement. La tête du bélier commença à s’élever lentement, à se dresser inutilement vers le ciel.
L’espace d’un instant, on crut que la manœuvre allait réussir. Puis soudain, les crochets dérapèrent et le grappin se détacha. La tête du bélier retomba, pointant de nouveau vers la porte et la tortue s’avança encore jusqu’à la toucher. Il n’y avait désormais plus la place de descendre un grappin entre les deux : l’occasion était passée, la manœuvre avait échoué. Ballista s’accroupit derrière les remparts.
Sous la tortue, la tête du bélier recula, puis fut propulsée en avant. Toute la tour trembla. Le choc se répercutait dans les murs, mais la porte tenait. Le bélier recula, puis frappa à nouveau. Un autre choc assourdissant en résulta, suivi de vibrations qui ébranlèrent la tour. La porte tenait encore, mais un grincement étrange et sinistre indiquait que cela n’allait pas durer.
Le dos au parapet, Ballista regardait Antigonus et un autre soldat guider les deux autres grues. Les énormes rochers se balançant au bout de leurs chaînes furent amenés au-dessus de la tortue. Après s’être consultés du regard, les deux hommes donnèrent le signal. Les grappins relâchèrent leur charge en même temps. Un battement de cils plus tard, un terrible fracas retentissait.
Ballista se pencha à découvert ; un seul coup d’œil lui suffit pour voir que le toit de la tortue avait tenu. Les rochers avaient rebondi. Les flèches des deux grues revenaient déjà de l’autre côté du mur pour qu’on y accrochât d’autres rochers. Un boulet propulsé par une baliste sassanide emporta la tête d’Antigonus. Un autre soldat se leva et prit immédiatement sa place.
Le grand bélier frappa à nouveau. Ballista sentit les vibrations à travers ses bottes.
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