L'Orient à feu et à sang
bélier et sa tortue illuminaient les alentours.
Pendant sept jours, les Sassanides donnèrent libre cours à leur affliction. Jour et nuit, les hommes festoyaient et buvaient, entonnaient des chants funèbres et dansaient leurs tristes rondes en cercle, se tenant par les épaules et tournant lentement. Les femmes se lamentaient, déchiraient leurs vêtements, se frappaient la poitrine. Les sons portaient loin à travers la plaine.
Puis, pendant deux mois, les Perses ne firent rien – du moins ne se consacrèrent-ils pas activement au siège. Ils creusèrent cependant un fossé et élevèrent un petit talus autour de leur camp, en l’absence de bois pour construire une palissade. Des groupes de sentinelles montées furent cantonnés au-delà des ravins nord et sud ainsi que sur la berge opposée du fleuve. Des groupes de cavaliers effectuaient des sorties, vraisemblablement pour reconnaître le terrain ou se procurer de la nourriture. De temps à autre, par une nuit sans lune, de petites escouades s’approchaient à pied des murs de la ville et décochaient une soudaine volée de flèches dans l’espoir de surprendre un ou deux gardes sur les remparts ou des piétons au-delà, dans les rues. Cependant, pendant deux mois, les Sassanides ne se risquèrent plus à attaquer et n’entreprirent pas non plus de travaux de siège. Pendant le reste du mois de mai, tout le mois de juin et une partie du mois de juillet, les Perses semblèrent attendre quelque chose.
« Mais qu’est-ce que je fiche ici ? » Les pensées du légionnaire Castricius ne prenaient pas un tour léger. « C’est le 24 mai, l’anniversaire du prince impérial Germanicus, mort depuis longtemps – en mémoire de ce bon Germanicus, une petite prière. C’est mon anniversaire et je suis là, au beau milieu de la nuit, terré dans des buissons humides. »
Un petit vent frais du nord-est traversait l’Euphrate, faisant bruire les roseaux. On n’entendait guère que le flot impétueux du grand fleuve, les gargouillements et bruits de succion de l’eau battant contre la berge. Une forte odeur de terre humide et de végétation pourrissante flottait. Dans le ciel, des lambeaux de nuages ne parvenaient pas à couvrir la lune, telle une mauvaise cape sur le corps d’un mendiant. Devant les yeux de Castricius, une toile d’araignée s’irisait sous le clair de lune.
« C’est mon anniversaire, j’ai froid, je suis fatigué et j’ai peur. Et tout est de ma faute. » Castricus se déplaça légèrement, éloignant du sol une fesse mouillée, et fut immédiatement rappelé à l’ordre par le « chut ! » de l’homme qui se tenait derrière lui. « Va chier, mon frère », pensa-t-il en reprenant sa position. « Pourquoi ? Pourquoi suis-je toujours aussi bête ? Un petit optio zélé comme Prosper demande des volontaires – cela pourrait être un peu dangereux, les gars – et mon bras se lève comme la tunique d’une putain. Pourquoi est-ce que je n’apprends jamais ? Pourquoi est-ce que je me sens obligé de prouver que je suis un dur, prêt à tout, qui n’a peur de rien ? » Castricius franchit en esprit les années et les milles qui le séparaient désormais de son enfance à Nemausus [77] et pensa à son professeur à l’école. « Tu finiras sur la croix », lui disait souvent le pœdagogus. Mais Castricius avait été envoyé à la mine. Il frissonna en y repensant. « Si je peux survivre aux mines, alors je peux survivre à tout. Clair de lune ou pas, cette nuit sera une promenade dans un paradis perse comparée aux mines. »
Le soldat de l’avant se retourna et indiqua d’un geste qu’il était temps d’y aller. Castricius se leva sur ses jambes raides. Courbés en deux, ils avançaient vers le sud à travers les roseaux. Ils essayaient de se déplacer sans bruit, mais ils étaient trente : sous leurs pas, la boue produisait un crissement mouillé, les accessoires de métal cliquetaient à leur ceinture, un canard s’envola brusquement dans un battement d’ailes sonore. « Et comme nous avons le vent dans le dos, le bruit que nous faisons parviendra jusqu’aux Perses », pensa Castricius. Le clair de lune, le bruit, et un officier inexpérimenté – tous les ingrédients d’un désastre, en somme.
Ils finirent par atteindre la paroi rocheuse. Le jeune optio, Gaius Licinius Prosper, leur fit signe de commencer à grimper. « Si je meurs pour satisfaire tes ambitions, je reviendrai te
Weitere Kostenlose Bücher