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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
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vitesse vers le ravin. Il jeta son bouclier, lâcha son épée et se jeta par terre de biais. Sa glissade l’amena jusqu’au bord ; en se tordant, il amena ses jambes au-dessus du vide, ses doigts cherchant désespérément une prise. L’espace d’un instant, il crut avoir mal évalué sa vitesse, pensa qu’il allait glisser sans pouvoir s’arrêter et tomber jambes en avant. À cet endroit, il y avait un à-pic de cent pieds. S’il tombait, il était mort. Il sentit ses ongles s’arracher et eut horriblement mal, mais il avait une prise. Il descendit la paroi rocheuse en tâtonnant ; souvent, ses pieds dérapaient et il restait accroché par les mains, les jambes pendant dans le vide.
    Du haut de la tour sud-ouest, bien qu’il fût à au moins quatre cents pas, Ballista vit le piège se refermer bien avant ceux qui allaient y être pris ; il entendit la vibration de la corde des arcs, les cris des soldats, les deux sonneries de buccin.
    — Merde, dit-il succinctement.
    — Nous devons les aider, bredouilla Demetrius.
    Ballista ne répondit pas.
    — Nous devons faire quelque chose, reprit le jeune Grec.
    — Si seulement nous le pouvions, dit Maximus. Mais il n’y a rien à faire. Le temps de rassembler des troupes et de les amener là-bas, tout sera déjà fini. De toute façon, on ne peut pas se permettre de perdre d’autres hommes.
    Ballista observa quelques instants la scène en silence, puis déclara qu’ils devraient se rendre à la porte du petit mur sud, au bord du fleuve, au cas où il y aurait des survivants. Tandis qu’il descendait les marches de la Porta Aquaria , il tournait et retournait les choses dans son esprit.
    Les préceptes inculqués par ses mentors en matière de défense des places fortes l’avaient poussé à agir : une défense passive est une absence de défense. Non seulement elle laisse l’initiative, la dynamique, à l’assaillant, mais elle sape la discipline des assiégés, leur volonté même de résister. Et donc, depuis que le grand bélier avait brûlé, Ballista avait souvent constitué des escouades pour des raids nocturnes. Mais le cœur n’y était pas.
    La mort d’Antigonus avait changé les choses. Il avait perdu un maître des opérations clandestines. Il lui manquait terriblement. Ballista pensa à la manière magistrale dont il avait éliminé les Sassanides bloqués sur l’île de l’Euphrate après l’échec du premier assaut sur la ville : vingt Perses morts et aucune perte du côté des Romains. Cette nuit-là, la mort avait surgi de la haute frange de roseaux et frappé les Sassanides terrifiés avec une célérité et une efficacité stupéfiantes. Depuis lors, les incursions nocturnes n’avaient eu que des résultats mitigés, en dépit des efforts de ceux qui y prenaient part. Parfois, ils étaient repérés et devaient abandonner la mission. Souvent, le raid se soldait par des pertes équivalentes dans les deux camps. Et cette nuit, le fiasco avait été complet. Quelles qu’eussent été les prescriptions des traités de stratégie et celles de ses mentors, Ballista n’organiserait plus de raids.
    Debout, à côté de la porte enchâssée dans le mur, il pensait à Antigonus. Étrange comment en si peu de temps, il s’était attaché à lui. C’était bien là l’une des singularités de la guerre : elle tissait très vite des liens solides entre des hommes que tout séparait, et la mort les rompait plus rapidement encore. Il se souvint du boulet emportant la tête d’Antigonus, de son corps décapité qui, pendant quelques instants, était resté debout, du flot de sang.
    Les poumons en feu, les membres douloureux, la sueur lui coulant dans les yeux, Castricius se rua dans le lit de roseaux. Il avait jeté son casque, arraché sa cotte de maille lorsqu’il était parvenu au pied de la falaise. Son seul espoir résidait dans la fuite. Il courut et courut encore, les palmes des dattiers bruissant au-dessus de sa tête ; il trébuchait lorsque des racines s’enroulaient autour de ses jambes et s’étala même de tout son long dans la boue, le souffle coupé. Luttant contre l’épuisement et le désespoir qui le poussaient à rester là, il se leva à grand-peine et continua à courir.
    Soudain, sans que rien ne l’en eût averti, Castricius émergea du lit de roseaux. Devant lui, sous le clair de lune, la roche nue du fond du ravin et, plus loin, un groupe de torches le long du petit mur et autour de la porte. Il

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