L'Orient à feu et à sang
La Germanie, la réputation de combattants nocturnes des Harii s’était propagée bien au-delà des forêts du Nord. Ils aimaient à combattre par une nuit noire. Avec leurs boucliers noircis, leurs corps peints, leur aspect fantomatique et redoutable, ils instillaient la terreur dans le cœur de leurs ennemis. Tacite allait même jusqu’à affirmer qu’« aucun ennemi ne pouvait supporter vision si étrange et infernale ». Maximus savait que peu d’hommes étaient aussi dangereux dans l’obscurité de la nuit que son dominus et ami.
Après un moment, le sentier tournait à droite en direction de la plaine et, continuant à descendre, traversait le flanc du ravin. Ballista et Maximus se trouvaient maintenant parmi les tombes de la nécropole chrétienne. Au-dessus et en-dessous du sentier, ils voyaient les entrées noires des grottes, naturelles ou creusées par la main de l’homme, où les adorateurs du dieu crucifié enterraient leurs morts. Ballista s’arrêta et fit un signe de la main. Ils grimpèrent sur le versant du ravin jusqu’à l’entrée de la grotte la plus proche. À environ trois pieds à l’intérieur, un mur de brique de terre crue scellait la tombe. Toujours en silence, les deux hommes s’accroupirent, le dos au mur, écoutant et observant. Les feux des sentinelles scintillaient en haut du versant opposé du ravin. Des sons presque inaudibles leur parvenaient de temps à autre. Au fond du ravin, on ne voyait ni n’entendait rien. Aucun bruit de creusement, en tout cas.
Après ce qui sembla être un très long moment à Maximus, Ballista se leva. Maximus fit de même. Ballista se tourna contre le mur, se dégrafa à tâtons et urina.
— Tu ne penses pas que cela pourrait porter malheur de pisser sur leurs tombes ?
L’Hibernien parlait tout doucement.
Ballista, s’efforçant d’éviter ses bottes, mit longtemps à répondre.
— Si je croyais en leur dieu, peut-être. Mais je préfère pisser ici dans le noir que là-bas, à découvert.
— Moi, si j’avais peur, je ne serais pas là, dit Maximus. J’irais labourer la terre ou vendre du fromage.
— Qui ne connaît pas la peur ne connaît pas le courage, répondit Ballista. Le courage c’est avoir peur et faire ce qu’on a faire malgré tout – on pourrait appeler ça « la grâce du mâle sous la contrainte ».
— Foutaises ! dit Maximus.
Ils se remirent en marche sur le sentier.
Tout juste visibles dans la pénombre, d’étroits chemins croisaient le leur des deux côtés. Ballista ignora les deux premiers descendant vers la gauche et s’arrêta au troisième. Après avoir regardé tout autour de lui pour évaluer la distance qu’ils avaient parcourue, il prit à gauche. Ils descendaient toujours, mais revenaient maintenant vers le fleuve. Au fur et à mesure qu’ils approchaient du fond du ravin, Ballista s’arrêtait plus souvent. Il finit par donner le signal de quitter le sentier et de descendre directement le versant du ravin.
La botte de Maximus dérapa, déclenchant une petite avalanche de pierres. Les deux hommes se figèrent. Aucune alerte ne retentit. Au loin, un chacal jappa. D’autres lui répondirent. Ballista avait estimé que, même s’ils faisaient du bruit, ils courraient moins de risques en descendant collés à paroi, l’épée sur le dos, qu’en empruntant l’un des sentiers. S’il avait commandé les gardes sassanides, il aurait placé des sentinelles en faction à l’endroit où les sentiers débouchaient sur le fond du ravin.
Ils parvinrent en bas sans plus d’incident. Sans s’arrêter, Ballista se dirigea vers le versant sud du ravin. Il n’y avait pas de temps à perdre. Ils savaient déjà que des Perses patrouillaient dans le noir à cet endroit. Tenant leurs épées loin du corps, ils coururent à petites foulées.
Dès qu’ils atteignirent l’autre versant, ils se mirent à grimper. La paroi était plus raide. Ils l’escaladaient lentement, cherchant leurs prises. Elle devint vite moins escarpée et Ballista fit signe de s’arrêter. Ils reposaient sur le dos, scrutant la pénombre tout autour d’eux, tendant l’oreille. C’est alors qui l’entendirent à nouveau, venant de leur gauche, plus haut, vers la plaine : le martèlement de pioches sur la pierre.
Ils avançaient en crabe le long du versant, prenant garde aux endroits où ils plaçaient leurs mains et leurs pieds. Maximus appréciait la présence d’esprit de Ballista. L’entrée de la
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