L'Orient à feu et à sang
mine devait se trouver sur la face nord du ravin, le tunnel progressant vers les murs de la ville. L’attention des sentinelles se porterait donc dans cette direction. En traversant le ravin, Ballista les avait, en fait, amenés derrière les lignes ennemies. Avec de la chance, personne ne les remarquerait s’approcher de ce côté.
Maximus s’efforçait tellement de ne pas faire de bruit qu’il ne vit pas le signal de Ballista et le bouscula. Ce dernier grogna lorsqu’une botte le toucha au mollet. Maximus retint sa respiration. Ils attendirent sans faire plus de bruit.
Avec infiniment de précaution, Ballista se retourna et indiqua d’un geste le versant opposé du ravin. Tout aussi prudemment, Maximus se retourna à son tour. L’entrée de la mine perse se trouvait à mi-hauteur sur la face nord du ravin. Elle était éclairée de l’intérieur par des torches ou des lanternes à la lueur desquelles les silhouettes noires des sapeurs semblaient danser, projetant des ombres démesurément allongées. Le bruit des pioches était clairement perceptible. Devant, on distinguait des hommes actionnant des poulies et des treuils pour retirer les déblais. Ballista se surprit à penser aux légendes du lointain nord, à ces nains ourdissant on ne sait quelle méchanceté au fond de leurs galeries creusées dans la roche. Il se demanda quelles pensées occupaient l’esprit de Maximus. Probablement celles de toujours : les femmes et la boisson. Les hommes travaillant aux poulies cessèrent leur dur labeur et aussitôt, une sorte de paravent fut tiré, occultant l’entrée du souterrain.
Ballista tourna son regard vers l’obscurité du fleuve jusqu’à ce que sa vision nocturne revînt. Puis, se repérant grâce aux lueurs qui filtraient à travers le paravent et aux contours sombres des remparts de la ville, seulement éclairés par quelques torches, il tenta d’évaluer la position exacte de la mine. Il étudiait attentivement la configuration du terrain, les distances étant infiniment plus difficiles à estimer de nuit. Il sentait Maximus s’impatienter à ses côtés, mais il prit son temps. Il n’y aurait pas de seconde chance. Enfin, il donna une petite tape sur le bras de l’Hibernien et donna le signal du retour.
Avançant en crabe comme précédemment, ils revinrent lentement sur leurs pas. Ballista se montrait extrêmement prudent. Il craignait que le soulagement qu’il éprouvait à l’idée d’être sur le chemin du retour le conduirait à faire un faux pas. Quand il estima qu’ils se trouvaient à peu près à l’endroit où ils étaient montés, il fit signe à Maximus et ils commencèrent leur descente. Cette fois-ci, lorsqu’ils prirent pied au fond du ravin, ils attendirent, sondant l’obscurité. En face d’eux, la silhouette noire de la grande muraille sud d’Arété se découpait dans le ciel, éclairée çà et là par une torche. Sa solidité massive et rassurante semblait une invite silencieuse à regagner la chaleur, la lumière et la sécurité, et Ballista ressentit à nouveau un petit pincement au cœur. Il se ressaisit aussitôt. Après tout, la guerre qu’il menait à l’intérieur des murs n’était qu’une interminable suite de tâches administratives, liste après liste de ressources en hommes et en matériel. C’était ici, dans l’obscurité, que résidait la vraie voie du guerrier. Ici, tous ses sens étaient en éveil.
Aucune menace ne se profilait dans le fond du ravin. Ils n’entendaient rien venir, ne sentaient rien. Ballista donna le signal et ils se mirent en marche à grands pas.
Les deux hommes étaient à mi-chemin lorsqu’ils entendirent la patrouille sassanide s’approcher. Ils se figèrent.
Le versant du ravin était encore trop éloigné pour qu’ils y courussent se réfugier. Ils n’avaient nulle part où se cacher. Les bruits s’amplifiaient : le crissement de nombreuses bottes sur les cailloux, le tintements des armes contre les boucliers et les armures.
Ballista murmura à l’oreille de son garde du corps :
— Ils sont trop nombreux, nous ne pouvons pas les combattre. Il va falloir les embobiner. Tu as intérêt à te souvenir de ton persan.
L’Hibernien ne répondit pas, mais Ballista eut l’impression qu’il souriait. La patrouille perse émergeait de l’obscurité de la berge du fleuve, une forme floue, plus sombre que ce qui l’entourait.
Sans prévenir, Maximus s’avança. D’une voix basse mais qui portait
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