L'Orient à feu et à sang
Maximus, en posa une près de Demetrius et, s’asseyant à table, commença à boire la sienne à petites gorgées.
Un autre boulet d’artillerie siffla dans les airs. Le choc ébranla la pièce à nouveau et de la poussière de plâtre tomba du plafond en un mince filet. Mamurra remarqua que l’une des balistes perses tirait trop long. Ballista hocha la tête.
Enfin, Demetrius leva les yeux. Il eut un petit sourire d’excuse.
— Je suis désolé, Kyrios. Je ne parviens pas à décoder le message. Du moins, pas tout de suite. La plupart des codes sont vraiment très simples – on remplace la lettre par la suivante dans l’alphabet ou, plus élémentaire encore, on fait une petite marque à côté des lettres devant être lues ou on les écrit à un niveau légèrement différent. Mais j’ai bien peur que celui-ci ne soit pas aussi aisé à percer. Si vous le permettez, je vais le garder pour l’étudier pendant mon temps libre. Je finirai bien par le déchiffrer.
— Merci, dit Ballista.
Il restait assis à boire, perdu dans ses réflexions. Tout le monde gardait le silence. À intervalles réguliers, un nouveau choc ébranlait la maison et une pluie de plâtre venait s’ajouter à la fine couche de poussière recouvrant toutes les surfaces.
Une fois de plus, l’absence d’Antigonus se faisait cruellement sentir : il aurait été idéal pour ce que Ballista avait en tête. Mamurra avait déjà bien trop à faire ; quant à Maximus, il le voulait à ses côtés.
— Castricius, je veux que tu parles aux trois soldats. Tâche de découvrir quand et où l’homme a été touché. Fais-leur jurer le silence. Menace-les un peu pour être sûr qu’ils ne diront rien. Dépêche-toi de parler au blessé avant qu’il ne meure d’une infection.
— Dominus.
— Puis choisis trois des equites singulares pour qu’ils surveillent discrètement l’endroit où l’incident a eu lieu. Je doute fort que l’un d’entre eux soit touché par une flèche avec un message codé, mais je veux savoir qui fréquente les parages.
Une nouvelle fois, le porte-étendard se contenta d’acquiescer : « Dominus. »
— Toute personne rôdant dans le coin peut être notre homme cherchant le message qu’il attendait, mais n’a jamais reçu. Au moins, nous pouvons maintenant être sûrs qu’il y a toujours un traître parmi nous.
Un croissant de lune scintillait bas sur l’horizon. Au-dessus, les constellations apparaissaient lentement – Orion, la Grande Ourse, les Pléiades. C’était le 15 août, les ides du mois. Ballista savait que s’ils vivaient assez longtemps pour voir le coucher des Pléiades en novembre, ils seraient hors de danger.
Un calme profond régnait sur la tour sud-ouest d’Arété, endommagée par les engins ennemis. Tout le monde écoutait. D’habitude, tout semblait anormalement silencieux le soir, lorsque le duel d’artillerie cessait, mais maintenant, alors que l’on tendait l’oreille pour entendre un son particulier, une multitude de bruits déchiraient la nuit au dehors. Quelque part en ville, un chien aboya ; plus près d’eux, un enfant pleurait. Des bruits étouffés provenant du camp sassanide parvenaient à leurs oreilles : le hennissement d’un cheval, des éclats de voix, des bribes d’une mélodie plaintive jouée sur un instrument à cordes.
— Là, vous entendez ? chuchota Haddudad instamment.
Ballista n’entendait rien. Il consulta du regard Maximus et Demetrius qui semblaient indécis dans la pénombre. Ils continuèrent tous à tendre l’oreille. Les bruits nocturnes se faisaient plus rares.
— Tenez, on l’entend encore.
La voix du mercenaire d’Iarhai se réduisait à un murmure.
Cette fois-ci, Ballista pensait bien avoir entendu quelque chose. Il retint sa respiration. Oui, il l’entendait maintenant ; une sorte de grattement, le raclement sourd qu’Haddudad avait décrit. Mais il s’interrompit aussitôt. Ballista se pencha au parapet et mit sa main en cornet autour de son oreille droite. Le bruit avait cessé. S’il avait jamais existé, il était maintenant couvert par celui d’une patrouille perse avançant le long du ravin sud. De la pénombre s’élevait le bruit des pierres délogées, des objets de métal s’entrechoquant, le craquement du cuir. La patrouille devait avoir rencontré des sentinelles en faction. Sur la tour, on entendit chuchoter la formule convenue « Peroz-Shapur » et le mot de passe
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