L'Orient à feu et à sang
même essayer de se servir du long sabre dans sa main, il projeta son bouclier avec force contre celui du Dux pour le faire reculer et le jeter au bas de la passerelle.
Ballista se laissa repousser, amortissant le choc, posa le pied arrière vers la droite – la passerelle ne comportait pas de garde-corps et son pied était dangereusement près du bord – puis ramena son pied gauche derrière le droit. Emporté par son élan, le Perse le dépassa. Complétant sa demi-volte, Ballista, paume tournée vers le bas, planta son épée dans la clavicule du Perse. La cotte de maille résista un court instant, puis la pointe de l’épée s’enfonça dans les chairs, raclant l’os.
Tandis que le premier Sassanide tombait derrière lui, un autre s’avança. Ballista mit un genou à terre et projeta son épée dans un grand arc de cercle vers les chevilles du Perse qui baissa son bouclier à la hâte pour parer le coup. Penché en avant, en perte d’équilibre, le guerrier était vulnérable.
Ballista se redressa et se rua sur lui, le heurtant à la poitrine de son bouclier et le repoussant sur le côté. Une expression d’horreur se peignit sur son visage lorsqu’il se rendit compte qu’il était tout au bord de la passerelle et qu’il n’y avait plus rien sous ses pieds. Puis, il bascula en arrière, ses bras battant l’air.
Ballista vacilla un instant au bord avant de reprendre son équilibre. Il regarda à sa gauche. Deux Perses gisaient autour de Maximus. Derrière, un des equites singulares était tombé, mais un autre avait pris sa place. Ballista cria aux deux défenseurs de rester avec lui, puis enjamba avec précaution le corps du premier Sassanide qu’il avait tué.
Devant eux, la haine qui tordait le visage des assaillants semblait s’être transformée en indécision : pour combattre les défenseurs, ils devraient maintenant risquer de trébucher sur les corps de quatre hommes morts ou mourants. Les Sassanides n’étaient pas des lâches, mais seul un fou se mettrait dans une telle situation d’infériorité.
Ballista se sentit soudain confiant : il pouvait réussir, il combattait bien dans ces conditions. Une feinte thessalienne et l’adversaire se retrouvait au bord du vide. Son ardeur fut brusquement tempérée par une très vive douleur à la cuisse droite. Une fine ligne blanche s’y dessina, se changeant soudain en une entaille rouge. Il bougea sa jambe sur laquelle le sang ruisselait. Cela faisait mal, très mal, mais elle pouvait supporter son poids. La flèche n’avait fait qu’entailler superficiellement les chairs.
Accroupi derrière son bouclier, les flèches sifflant dans les deux sens, Ballista regarda par-dessus, vers la rampe. Il crut voir un filet de fumée s’élever du mur de brique de terre crue sur le côté, puis plus rien. La sueur ruisselait dans son dos. Une mouche exaspérante s’obstinait encore et encore à se poser sur ses yeux. Sa jambe l’élançait, elle se raidirait bientôt.
Un noble sassanide exhortait les troupes d’assaut au combat. D’un instant à l’autre, elles se ressaisiraient. Ballista regarda une nouvelle fois par-dessus son bouclier.
Là ! Il y avait bien un filet de fumée, cette fois, il en était sûr. Puis un autre et un autre encore.
Les Sassanides sur la passerelle sentaient que quelque chose n’allait pas. Ils cessèrent de crier, de hurler des insultes à l’adresse des défenseurs. Ils se regardaient perplexes. C’était le bruit, sourd, profond, couvrant les clameurs du combat, évoquant le déchaînement imminent de forces naturelles.
Ballista voyait de la fumée s’échapper tout le long de la rampe. Le bruit se changea en un grondement de tremblement de terre. La rampe commençait à osciller et la passerelle ballottait. La terreur se peignait sur le visage des Sassanides. Lentement, le milieu de la rampe s’affaissa avant de disparaître soudainement. Les trois murs de soutènement restèrent debout, encore un peu. La passerelle oscillait au-dessus du vide.
— Sautez !
Tandis qu’il criait, Ballista se retourna et commença à courir. Les planches de bois sous ses pieds se soulevèrent. Il grimpait à quatre pattes, son épée se balançant dangereusement au bout de la dragonne. Derrière lui, la passerelle s’effondra. Devant, la grosse pointe resta accrochée au parapet.
Avec l’énergie du désespoir, Ballista sauta, comme un saumon remontant le courant, et réussit à attraper du bout des doigts de
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