L'Orient à feu et à sang
l’empennage dépassait. L’homme avait les mains crispées tout autour, le regard incrédule.
— Ça va aller, lui dit Ballista.
Il ordonna à deux de ses equites singulares de le porter à l’infirmerie. Les gardes semblaient douter que cela servît à grand-chose, mais obéirent.
Ballista revint derrière le parapet et tenta de se ressaisir. Il compta jusqu’à vingt, puis regarda de nouveau par-dessus les remparts. Il voyait la rampe perse, le trou qui la séparait de la muraille. Mais désormais, l’espace n’était plus que de cinq pieds. Devant, presque à portée de main des assiégés, de la terre et des gravats, un tronc d’arbre de temps à autre, étaient jetés sous l’écran et venaient combler le trou.
C’était pour aujourd’hui. Même s’il n’avait pas vu les troupes sassanides se regrouper au bout de l’allée couverte formée par les vinæ , il savait que l’assaut aurait lieu aujourd’hui. Les Perses semblaient bien avoir décidé de ne pas attendre que la rampe touchât la muraille et de se servir d’une sorte de passerelle. La course était lancée. Quelle qu’en fût l’issue, elle se déciderait aujourd’hui.
Ballista regarda autour de lui. Le sang du messager était déjà absorbé par les briques, une fine couche de poussière atténuait le rouge vif de la flaque. Il fit signe à ses hommes et rampa à moitié jusqu’à la trappe. Maximus, Demetrius et les trois equites singulares restants dévalèrent les marches de pierre à sa suite.
Castricius attendait à l’entrée de sa mine. Sans plus de formalités, il leur dit de se préparer.
Ballista avait redouté ce moment, pourtant il devait arriver, c’était inévitable. Il devait entrer dans le tunnel mais il ne le voulait pas. « Ne pense pas, agis ! Allons-y. »
Tandis qu’ils s’enfonçaient dans la mine nord, la lumière du soleil à l’entrée disparut bien vite. Ils se déplaçaient rapidement, seuls dans l’obscurité. Aucune des lampes à huile dans les niches n’était allumée. Avant qu’ils n’entrassent, Castricius avait vérifié qu’aucun d’entre eux n’avait de semelles cloutées. Ils avaient laissé en surface leurs baudriers, leurs armures, leurs casques – tout ce qui était métallique. La moindre étincelle pourrait donner corps à leur plus grande crainte : un feu prématuré.
Ils avançaient en file indienne dans l’obscurité totale. Castricius menait la marche, sa main droite tâtonnant le long du mur. Ballista le suivait, agrippant dans son poing la tunique de Castricius, puis venaient Maximus et Demetrius.
Le sol était inégal. La botte de Ballista dérapa sur une pierre. Il imagina qu’il se tordait la cheville ou se cassait la jambe et se retrouvait pris au piège dans le tunnel. Il réprima une bouffée de panique. « Avance. Ne pense pas, agis ! »
La marche défiait le temps et la logique. Il lui semblait qu’ils marchaient depuis des heures, qu’ils avaient traversé toute la plaine jusqu’au camp perse.
Quelque chose changea. Ballista sentit l’espace s’ouvrir tout autour de lui. C’était peut-être dû à la nature des sons. L’écho de leurs pas leur revenait plus lentement. Une étrange odeur flottait, évoquant différentes choses : une étable, l’échoppe d’un boucher, un navire de guerre. En tout cas, l’air était moins confiné qu’avant.
Castricius s’arrêta ; derrière lui les autres firent de même. Avec infiniment de précautions, Castricius ouvrit très légèrement sa lanterne couverte. L’étroit faisceau de lumière parvenait tout juste à éclairer le fond de la caverne. Il leva la lanterne. Le plafond se perdait dans l’ombre. L’abaissant à nouveau, il dirigea le faisceau vers les traverses soutenant le plafond. Aux yeux de Ballista, elles semblaient bien trop rares et bien trop fragiles.
— Il y en a juste assez pour soutenir le plafond, dit Castricius comme s’il avait lu les pensées de son commandant. C’est du bon bois, bien sec, qui brûlera bien. J’ai enduit tous les étais et les traverses de résine.
— Bien, fit Ballista qui se sentait obligé de dire quelque chose.
Castricius dirigea la lumière vers le bas. Le sol était presque entièrement recouvert d’une épaisse couche de paille. Des outres remplies de graisse de porc étaient appuyées contre les étais.
— Certains cuisiniers pourraient bien rencontrer un problème, mais elles brûleront bien.
— Bien, dit Ballista
Weitere Kostenlose Bücher