L'Orient à feu et à sang
rit.
— C’est en partie à cause de lui que je suis là, mais non, il ne le sait pas.
— Vous n’avez pas traversé la ville toute seule ?
Ballista pensa à tout ce qu’il avait vu lorsqu’il était rentré au Palais. À l’heure qu’il était, toute la ville serait la scène d’une orgie dionysiaque effrénée. Les soldats en fête n’auraient pas plus de mal que Ballista à percer le déguisement de Bathshiba. Beaucoup d’entre eux auraient moins de scrupules que lui à le lui arracher. Ballista ne doutait pas qu’elle sût se servir de l’épée sur sa hanche, mais contre un groupe, elle ne lui serait pas d’une grande utilité. Sa résistance, le danger ne feraient qu’accroître le plaisir qu’ils auraient à la posséder.
— Non. Je ne suis pas folle. Deux hommes en armes attendent dans la cour principale. Ils sont probablement en train de boire dans la salle de garde maintenant.
— Et est-ce que l’un d’entre eux est Haddudad, le fidèle capitaine de votre père, la fine lame ?
Elle sourit.
— Non, j’ai pensé qu’il valait mieux me faire accompagner par d’autres, cette fois. Des hommes à la discrétion desquels je pense pouvoir me fier.
Ballista la regardait fixement. Il ne trouvait rien à dire.
Bathshiba retira son bonnet. Tandis qu’elle secouait sa longue chevelure brune, ses seins lourds et rebondis s’agitèrent en une invite muette à la caresse.
— Allez-vous daigner offrir ne serait-ce qu’à boire à une fille qui risque sa réputation ?
— Je suis désolé. Bien sûr. Je vais faire venir Calgacus pour qu’il apporte du vin.
— Est-ce bien nécessaire ?
Elle contourna Ballista, toujours hors de sa portée, et ramassa sa coupe sur le muret.
— Je peux ?
Elle porta la coupe à ses lèvres et but.
— Pourquoi êtes-vous venue ?
Il savait que son attitude trahissait son trouble et qu’il était loin de se montrer cordial. Il n’était pas sûr de ce qu’il voulait, de ce qu’il ferait.
— En partie à cause de mon père, comme je vous l’ai dit. Il ne s’est pas rendu sur la muraille aujourd’hui. Il est resté chez lui, enfermé dans ses appartements. Je pense qu’il priait. Il n’est plus le même depuis quelque temps et je suis venue m’en excuser.
Elle but une autre gorgée de vin.
— C’est inutile. Un homme de plus n’aurait rien changé. Et puis il a confié le commandement de ses troupes à Haddudad, qui est très capable.
Elle versa dans la coupe le reste de la cruche et la tendit à Ballista. Il la prit et but. Elle s’était approchée de lui. Il sentait son parfum, sa peau, ses longs cheveux enroulés autour de la colonne olivâtre de son cou et retombant sur sa tunique et le renflement de ses seins.
— Vos soldats savent comment fêter une victoire. Et vous ?
Elle leva vers lui ses yeux très noirs, plein de promesses et eut un petit sourire entendu. Il ne dit rien, ne bougea pas.
— Dites-moi, pensez vous que Shapur et ses nobles auraient fait preuve de retenue s’ils avaient pris la ville ?
— J’en doute, répondit-il d’une voix un peu rauque.
— Et le sauveur d’une ville ne devrait-il pas jouir des mêmes prérogatives que son conquérant ?
« Père-de-Tout », pensa Ballista, « si une femme s’est jamais offerte à moi, c’est bien elle. » Il respirait fort. Son odeur emplissait ses narines. Une érection le tiraillait. Il la désirait. Il aurait voulu arracher sa tunique, découvrir ses seins, puis descendre ce pantalon, l’asseoir sur le muret, écarter ses jambes et s’enfoncer en elle. Il aurait voulu la prendre là, tout de suite, debout devant elle, assise sur le muret, la pénétrer violemment.
Il ne fit pas un geste. Quelque chose l’en empêchait. Le carcan de moralité de son éducation nordique, la pensée de sa femme, la crainte superstitieuse de mêler l’infidélité et la bataille qui avait grandi en lui – il ne savait au juste, mais quelque chose l’en empêchait. Il ne bougeait pas.
Bathshiba s’écarta de lui, offensée. Son regard était dur, plein de colère.
— Idiot. Vous savez peut-être comment défendre une ville, mais je doute que vous sachiez comment en prendre une.
Elle ramassa son bonnet, fit volte-face et retraversa la terrasse d’un pas furieux.
Pendant quelque temps, après que Bathshiba fut partie, Ballista resta debout près du mur. Son désir s’évanouit, laissant place à de la frustration et à un étrange
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