L'Orient à feu et à sang
nécessaires.
Ballista avançait lentement le long de la muraille. Chaque homme voulait lui serrer la main, lui taper dans le dos, le féliciter. Il se dirigea d’abord vers le sud et la bannière verte de Cohors XX, sur la troisième tour à partir de la porte. Il remercia et félicita Turpio dont le visage reflétait un plaisir sans mélange. L’ex-centurion retira son casque ; il avait les cheveux trempés de sueur. Ils s’embrassèrent, les joues râpeuses de Turpio contre celles de Ballista. Sur la tour de l’extrémité sud de la muraille, Haddudad était debout sous le scorpion rouge d’Iarhai. Le capitaine mercenaire lui expliqua que le strategos était indisposé. Ballista lui répondit que cela importait peu, puisque le noble Iarhai pouvait compter sur un capitaine tel que lui. Le Dux regarda autour de lui. Il ne voyait pas trace de Bathshiba. Chose étonnante, elle semblait s’être pliée aux ordres de Ballista de ne pas se montrer sur la muraille aux côtés des défenseurs. Dans un coin de la tour, des mercenaires s’étaient regroupés et il se demanda, un bref instant, s’ils ne la cachaient pas, puis chassa cette pensée de son esprit.
Le retour vers le nord de la ville fut encore plus lent. Les copieuses quantités d’alcool consommées avaient fait des défenses de la ville le théâtre du genre de bacchanale débridée se jouant d’ordinaire en secret et dans l’obscurité complice de la nuit. Des soldats ivres s’agrippaient au parapet pour ne pas tomber. D’autres s’étaient regroupés sur le talus intérieur. Les outres et les cruchons de vin et de bière passaient de main en main, tandis qu’ils se racontaient des blagues obscènes d’une voix tonitruante. Les prostituées étaient arrivées en force. Sans aucune honte, l’une d’elles s’était mise à quatre pattes et, sa courte tunique relevée, accueillait un légionnaire en elle par derrière, tandis qu’elle prodiguait à un autre force caresses buccales. Une fille était couchée sur le dos, nue. Le soldat qui s’activait énergiquement entre ses jambes s’était dressé sur ses bras tendus pour laisser deux de ses collègues agenouillés accéder à son visage. Tournant la tête d’un côté puis de l’autre, elle les prenait à tour de rôle dans sa bouche. Trois ou quatre soldats se tenaient debout non loin et buvaient en attendant leur tour. Ballista remarqua qu’elle était blonde et que les mamelons d’un brun sombre de sa forte poitrine étaient très gros. L’aiguillon du désir le traversa. Père-de-Tout, il aurait bien eu besoin d’une femme.
Le vexillum rouge du détachement de Legio IIII flottait au-dessus de la deuxième tour au nord de la porte de la Palmyrène. Lorsque Ballista monta sur la plate-forme de combat, il y trouva Acilius Glabrio assis sur un tabouret, buvant du vin. Un jeune esclave bien fait tenait une ombrelle au-dessus de sa tête, tandis qu’un autre l’éventait. Il était entouré d’une cour de soldats auxquels il prodiguait ses félicitations à la manière d’un patricien : avec affabilité, mais en maintenant toujours une certaine distance. Le jeune noble ne montra aucun empressement à se lever pour accueillir son supérieur.
— Dux Ripæ, je dois vous féliciter de votre victoire, dit-il lorsqu’il se fut finalement mis debout. Un résultat merveilleux, compte tenu de tout ce qui joue en votre défaveur.
— Merci, Tribunius Laticlavius.
Ballista ignora les implications ambiguës de la dernière remarque.
— Mais le mérite de cette victoire revient en grande partie à vous-même et aux légionnaires de Legio IIII Scythica.
Ses paroles déclenchèrent les acclamations des soldats présents. Acilius Glabrio semblait mécontent. Il but une autre lampée de vin.
— Un idiot de messager est venu ici. L’imbécile prétendait qu’il venait de votre part. Il disait que vous aviez ordonné que la garde soit doublée ce soir. Je ne me suis pas privé de lui dire que jamais le Dux n’aurait donné un ordre aussi ridicule et je l’ai renvoyé.
Acilius but une nouvelle fois à longs traits. Son visage était congestionné.
— J’ai peur qu’il y ait eu un malentendu.
Ballista s’efforçait de conserver une voix neutre.
— C’est moi qui ai envoyé le messager. J’ai bien donné l’ordre de doubler la garde ce soir.
— Mais pourquoi ?
Acilius Glabrio partit d’un grand rire.
— La bataille est finie et bien finie. Nous avons
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