L'Orient à feu et à sang
tête nue. Cependant, une certaine cohésion, liée à des nécessités d’ordre fonctionnel, les unissait. Ils portaient tous une tenue orientale adaptée au désert : des bottes basses, d’amples pantalons et tuniques, de grandes capes. Tous avaient un long sabre soutenu par un baudrier et, attachés à leur selle, un étui pour leur arc, un carquois et une lance. Ils semblaient disciplinés. Ils semblaient coriaces. « Formidable, vraiment épatant, grommela Ballista pour lui-même. Nous voilà avec des mercenaires dont nous ne savons rien, supérieurs en nombre, et au moins aussi bien équipés et organisés que nous. »
Un homme attendait en tête de colonne. Il n’y avait rien d’ostentatoire dans sa tenue ou sa monture, mais on voyait bien que c’était lui qui commandait.
— Vous êtes Iarhai ?
— Oui.
Il s’exprimait d’une voix calme, une voix habituée à être entendue d’un bout à l’autre d’une caravane.
— On m’a dit que vous étiez un marchand.
— On vous a mal informé. Je suis un synodiarque , j’escorte les caravanes.
Le visage de l’homme semblait confirmer ses paroles : marqué de rides profondes, à la peau épaisse burinée par le sable. Sa pommette droite et son nez avait été cassés. La partie gauche de son front était ornée d’une cicatrice blanche.
— Alors où est la caravane que vos cent hommes sont censés protéger ?
Ballista regarda autour de lui, autant pour surveiller les mercenaires que pour souligner ses paroles.
— Je n’ai pas entrepris ce voyage pour aider les marchands, mais pour tenir la promesse que j’ai faite au dieu du soleil.
— Vous avez vu Sampsigeramus ?
— Je suis venu consulter le dieu. Sampsigeramus est la raison pour laquelle j’avais besoin des cent hommes.
Ballista n’avait aucune confiance en Iarhai. Mais quelque chose dans sa manière d’être lui plaisait. De plus, sa défiance à l’égard du prêtre-roi maniéré lui semblait être une bonne chose.
Le visage d’Iarhai se fendit d’un sourire qui n’était pas vraiment apte à rassurer.
— Vous autres, Occidentaux, avez souvent du mal à croire que l’empire autorise les nobles d’Arété et de Palmyre à commander des troupes. Mais laissez-moi vous le prouver.
Il fit un geste et l’un des cavaliers s’avança, tenant un porte-documents en cuir. Ballista mit un moment à se rendre compte que c’était une belle jeune fille, habillée en homme et montant à califourchon. Elle avait les yeux très sombres. Ses cheveux noirs dépassaient de son bonnet. Elle semblait hésiter en lui tendant les documents.
« Ils ne sont pas sûrs qu’un Barbare du Nord sache lire », pensa Ballista. Il fit abstraction de son agacement (et le Père-de-Tout savait qu’il en avait l’habitude). Il serait peut-être utile qu’ils le croient illettré.
— Mon secrétaire va nous dire ce qu’il en est.
Tandis qu’elle se penchait pour donner l’étui à Demetrius, sa poitrine tendit sa tunique. Ses seins étaient plus gros que ceux de Julia. Elle était plus ronde, un peu plus petite. La vigueur qui se dégageait d’elle était sans doute due aux longues heures passées à cheval.
— Ce sont des lettres remerciant Iarhai d’avoir protégé les caravanes. Elles émanent de plusieurs gouverneurs de Syrie et, pour certaines, d’empereurs – Philippe, Dèce et autres. Iarhai y est parfois désigné par le titre de strategos, général.
— Toutes mes excuses, strategos. Comme vous le dites, nous autres, Occidentaux, ne nous attendons pas à ce qu’il puisse en être ainsi.
Ballista lui tendit sa main droite. Iarhai la serra.
— Mais je vous en prie, Dominus.
Ce n’était pas seulement à cause de la fille que Ballista avait décidé de chevaucher en tête en compagnie d’Iarhai ; l’embarras de Turpio en sa présence y était pour beaucoup.
Le draco blanc de Ballista et le drapeau plutôt élaboré d’Iarhai, un demi-cercle orné de banderoles figurant un scorpion rouge sur fond blanc, flottaient au-dessus de la tête de la colonne. Le signum vert en surmontait le milieu, au-dessus des derniers des quatre-vingts mercenaires et des premiers des soixante cavaliers de la Cohors XX. Iarhai avait envoyé dix de ses hommes au-devant d’eux pour former l’avant-garde et dix autres encore pour veiller sur les flancs de la caravane.
— Parlez-moi du temps qu’il fait à Arété, dit Ballista.
— Oh ! Il y fait un temps exquis !
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