L'Orient à feu et à sang
à perte de vue. Un couple de pluviers se pourchassaient au-dessus de l’eau. Julia aurait aimé être ici. Bathshiba aussi.
— Oui, merci, je vais boire un peu.
Maximus versa le vin coupé d’eau et reposa la cruche avec précaution. Il s’assit sur le muret, un genou replié sous lui, en face de Ballista. Aucun d’eux n’éprouvait le besoin de préserver les distances lorsqu’ils se trouvaient seuls.
— Ça ne va pas, ton palais.
Maximus avait mis l’accent sur le mot. Il sourit.
— C’est un piège à rat.
Il but une gorgée de vin.
— La première cour n’est pas trop mal, avec son grand portail. La seconde n’a aucun dispositif de sécurité. Il y a un portail au nord pour les écuries, un autre au sud pour les cuisines, et des portes qui permettent d’accéder dans la première cour et ici.
Il montra de la main les appartements privés du Dux.
— Les portes ne sont pas le vrai problème. Les murs sont bas, faciles à escalader. Il y a un espace ouvert au sud, mais au nord, les bâtiments sont presque collés au nôtre. En au moins trois endroits, on pourrait sauter d’un toit à l’autre.
Il but une autre gorgée et prit une olive.
— Demetrius ! (Ballista fit signe au jeune Grec, qui était resté poliment assis à l’autre bout de la terrasse, de s’approcher.) Sers-toi à boire et assieds-toi.
Le garçon s’assit en tailleur par terre.
— Il faudrait apporter quelques meubles ici.
Tandis que son maître parlait, Demetrius sortit une tablette à écrire en bois et commença à consigner ses remarques sur la cire avec son stylet.
— Alors, comment les choses se présentent-elles ? demanda Ballista.
Demetrius prit un morceau de papyrus et étudia ce qu’il y avait écrit de son écriture nette et serrée.
— Dans l’ensemble, bien, Kyrios. En fait, nous avons trop de vivres et bien trop de vin. Nous manquons de papyrus, mais cela mis à part, nous n’avons aucun souci à nous faire tant sur la qualité que sur la quantité. Le problème, c’est ce que cela nous coûte. Je me renseignerai à l’agora avant que nous ne payions un seul denier à l’archonte Anamu.
— Voilà bien les Orientaux, dit Maximus. Ils savent qu’un Barbare du Nord illettré mange comme quatre et boit comme un trou, alors ils le grugent.
Demetrius prit un air peiné. Les trois hommes burent et mangèrent en silence.
Ballista regardait un bateau entreprendre la traversée depuis la berge opposée. Avec un courant aussi fort, il avait dû la commencer loin en amont pour compenser. Les deux rameurs souquaient ferme et profitèrent de l’abri qu’offrait l’une des îles pour se reposer. Ils repartirent. L’angle pris par le bateau semblait devoir les mener à la jetée principale située au pied des marches abruptes menant à la Porta Aquaria, la porte du fleuve.
Une toux étranglée se fit entendre ; c’était tout ce que Calgacus parvenait à faire pour signaler l’arrivée d’un visiteur. Mamurra considéra que le valet l’invitait à entrer et passa sous le portique.
Ballista descendit du muret.
— Prœfectus.
— Dominus.
Ils se serrèrent la main.
— Fais-moi ton rapport, s’il te plaît.
— Nous ferons ce qui nous est ordonné et nous nous tenons prêts. (Mamurra était au garde-à-vous.) J’ai choisi vingt hommes de la Cohors XX pour constituer votre garde privée. Dix equites singulares pour la garde de nuit, dix autres pour la garde de jour. Deux sont postés à la porte principale, un à la porte des écuries, un autre à la porte des cuisines et un autre encore à celle de vos appartements. Les cinq hommes restants seront dans la salle de garde qui donne dans la première cour. Lorsqu’ils ne sont pas de garde, les hommes resteront dans leurs quartiers et les chevaux à l’écurie.
— Très bien, Prœfectus.
Mamurra se détendit un peu.
— Tous les membres de votre suite sont installés dans les quartiers des domestiques, dans la zone sud. Ils ont été nourris. Le voyage a été long et je leur ai donné congé pour la nuit, à l’exception d’un messager. J’espère que j’ai bien fait.
Mamurra déclina l’offre de Ballista de boire une coupe avec eux et s’en alla. Ballista demanda à Calgacus de faire venir Bagoas ; il chanterait quelques chansons de son pays pour occuper la soirée.
Un instant dans le désert de l’anéantissement
Un instant, savourer le puits de la vie
— Les étoiles s’estompent dans le ciel
Weitere Kostenlose Bücher