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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
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et la caravane
    S’en va vers l’aube du néant – Hâte-toi !
    Les mots du jeune Perse résonnaient dans la lueur du crépuscule baignant le vaste Euphrate. Même Demetrius et Calgacus, qui n’y comprenaient goutte, étaient sous le charme. Chacun était lié à son destin, comme un chien à une charrette. Tous étaient bien loin de chez eux.
    À l’autre bout de la ville éclairée par la lune, un homme était assis dans une chambre aux volets soigneusement fermés. De temps à autre, il levait les yeux pour vérifier qu’il était bien seul.
    Si savoir lire était une aptitude rare que les classes dominantes et une infime minorité d’esclaves spécialisés étaient les seules à posséder, la faculté de lire tout bas l’était encore plus. D’accord, il suivait les lignes de son doigt et formait les mots avec sa bouche, marmonnant de temps en temps, mais il était fier de lui. De toute façon, ces marmonnements accidentels ne s’entendaient presque pas – compte tenu de ce qu’il était en train de lire, cela valait mieux.
    Il savait qu’il ne devrait pas s’enorgueillir de ce talent, mais au moins, il ne s’en vantait jamais. Les circonstances l’interdisaient : l’amour-propre pouvait compromettre sa mission.
    Il versa les morceaux de cire dans un petit bol de métal qu’il posa sur les braises, puis ouvrit le codex en bois ; il n’y avait pas de cire sur la tablette à écrire : les mots étaient gravés directement sur le bois. Il les relut pour la troisième fois.
    Le Barbare du Nord envoyé par les empereurs est arrivé. Il n’amène pas de troupes. Il dit que Valérien arrivera l’année prochaine avec une armée, mais ne dit pas quand. Les gens ne le croient pas. Il ne s’attend pas être attaqué avant le printemps prochain. Les pluies sont en retard, cette année. Lorsqu’elles auront pris fin, s’il était possible de rassembler l’armée plus tôt et de l’amener ici, elle arriverait peut-être avant que les défenses soient prêtes. N’était-ce pas en février que le Roi des Rois écrasa les agresseurs romains à Misikhè [49] – que la ville soit connue à jamais sous le nom de Peroz-Shapur – et tua le belliqueux empereur Gordien III ? Quoi qu’il en soit, je m’emploierai à percer leurs secrets, à semer le doute dans leurs esprits et à pointer le doigt sur les faiblesses de leurs murs.
    À l’aide d’un vieux stylet, il remua la cire qui avait fondu. Il prit le bol avec des pincettes et la versa dans chacune des parties évidées du codex, avant de reposer le bol et de lisser la surface des tablettes.
    Il savait qu’ils seraient nombreux à le traiter de traître, y compris nombre de ses proches, de ceux qu’il aimait. Seuls quelques-uns comprendraient. Mais il ne cherchait pas à s’attirer l’estime passagère de ses contemporains. Il voulait que son œuvre durât à jamais.
    La cire avait séché. Il prit un autre stylet et s’appliqua à écrire la plus innocente des lettres sur la surface lisse et blanche.
    Mon cher frère,
    J’espère que cette lettre te trouvera en bonne santé, comme je le suis moi-même. Les pluies sont en retard cet automne…

VII
    Demetrius s’éveilla et, de son lit, prit son matériel d’écriture. Il tenait à ne rien oublier, mais il lui importait aussi de décrire les choses avec exactitude. Il regarda la clepsydre. C’était le conticinium, ce moment de calme et d’immobilité, lorsque les coqs ont cessé de chanter, mais que les hommes dorment encore. Il écrivit «  le quatrième tour de garde  », puis, pour être précis «  la onzième heure de la nuit  ». L’heure avait son importance dans ce genre de choses. Ensuite «  vautours… agora… statue  ». Ces aide-mémoire maintenant fixés dans la cire, il se détendit un peu et s’allongea à nouveau.
    Il commença à retracer les événements depuis le début. Il s’était rendu à pied à l’agora. Mais quelle agora ? Une foule de gens étaient là, vêtus de diverses manières – des tuniques et capes grecques, des toges romaines, les hauts bonnets pointus des Scythes, les pantalons bouffants des Perses, les turbans des Indiens. Mais tout cela n’indiquait pas le lieu : aujourd’hui, les étrangers étaient nombreux à se rendre dans les grandes villes de l’ imperium. Ce qui l’avait le plus frappé, c’était que personne ne semblait prêter attention aux vautours volant au-dessus d’eux.
    Demetrius n’était pas loin de sombrer

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