L'Orient à feu et à sang
plein milieu du désert.
Le Dux commença.
— Par le passé, j’étais peiné et affligé. Je ne pouvais poser les yeux sur la plus belle des cités sous le soleil. Aujourd’hui, je la vois et ma peine se dissipe et mon affliction s’évanouit. Je vois tout ce que j’ai si ardemment désiré, et ce n’est pas un rêve, mais la réalité palpable de ces murs, de ces temples, de ces colonnades ; de cette ville qui tout entière est un havre de grâce dans le désert.
Impressionnante, la manière dont il était passé directement à ce qui aurait normalement dû être la deuxième partie. Et la ville vue comme un havre dans le désert, voilà qui était une bonne idée ! Maintenant, il se lançait dans un long encomium [47] du puissant Euphrate – fleuve et dieu, gardien qui jamais ne dormait, flot intarissable, pourvoyeur de vivres et de richesses. Après la nature venait la culture : les habitants d’Arété étaient hospitaliers, respectueux des lois, vivaient en harmonie et traitaient les étrangers comme leurs concitoyens. Le tout de la plus belle eau – malgré l’ironie involontaire du dernier passage.
Le Dux en vint aux accomplissements et aux actions et, dans son bref épilogue, reprit la métaphore de la ville comme un port dans le désert.
Anamu sentit se dissiper son appréhension. Ce Barbare méritait qu’on s’y attarde. Il parlait bien le grec. Il comprenait l’éloquence et l’art oratoire. Anamu saurait se charger de lui.
La cérémonie civile de l’ adventus s’était bien déroulée. Maintenant, Ballista lançait des ordres d’une seule volée : il fallait qu’on vît dès le départ que c’était lui qui commandait. Il irait tout d’abord honorer d’un sacrifice la Tyché [48] de la ville et remercier les autres dieux d’avoir permis que la colonne arrivât sans encombre, puis il se rendrait dans sa résidence officielle, le « palais ». Dans deux heures, il prendrait la parole devant le conseil.
Ses premiers contacts avec les autorités civiles aux portes de la ville avaient été assez cordiaux, mais on ne pouvait certainement pas en dire autant de sa rencontre avec les militaires.
Un officier, son cheval en travers de la route, avait bloqué le passage de Ballista.
— Marcus Acilius Glabrio, Tribunus Laticlavius, commandant de la vexillatio de Legio IIII Scythica à Arété.
Son accent et ses manières auraient signalé qu’il était issu d’une vieille famille sénatoriale romaine si son titre de Laticlavius ne l’avait déjà fait.
Il n’était pas descendu de cheval pour accueillir le nouveau Dux. Un seul regard sur l’arrogant jeune homme juché sur son cheval richement harnaché avait suffit à Ballista pour le prendre immédiatement en grippe.
— Nous ferons ce qui nous est ordonné et nous nous tenons prêts.
Ballista n’avait jamais entendu quelqu’un énoncer la formule militaire consacrée avec aussi peu de respect.
— J’inspecterai vos hommes demain, à la deuxième heure du jour, sur le Champ de Mars, dit Ballista.
— À vos ordres.
Glabrio n’avait pas ajouté Dominus. Cela semblait être devenu une habitude parmi les officiers des provinces de l’Est.
— Ensuite, nous étudierons les comptes de votre unité au quartier général.
— J’en aviserai l’ exactor et le librarius.
Le ton de Glabrio semblait indiquer qu’il laissait à son secrétaire et à son comptable le soin de s’occuper de ces choses bassement terrestres. Son attitude n’annonçait rien de bon, mais au moins n’avait-il pas encore ouvertement désobéi aux ordres – à la différence du commandant de la Cohors XX. Encore une fois, comme à Séleucie, il n’y avait pas trace de Gaius Scribonius Mucianus. Aucune chance désormais que Ballista oubliât le nom du tribun. Qu’est-ce que ce bâtard de Scribonius pouvait bien foutre ? Cette deuxième rebuffade délibérée était encore pire que la première. Qu’il ne se soit pas rendu à Antioche pour accueillir son nouveau Dux, en dépit des ordres qu’on lui avait donnés, était une chose, mais qu’il ne se donnât même pas la peine de venir aux portes de la ville dépassait vraiment les bornes. Cela ne pouvait être qu’une tentative préméditée de saper l’autorité de Ballista, de faire échouer sa mission avant même qu’elle eût commencé.
Ballista regarda autour de lui et aperçut Turpio qui semblait désirer ardemment être ailleurs.
Le foudroyant du regard, il lui
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