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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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s'avérer le plus charmant des compagnons. Mais en confiance, quand le fut-il vraiment?
    Ce n'est donc pas, à proprement parler, de timidité qu'il s'agit. En fait, il est tout à sa réflexion et à ses bouillonnements intérieurs. Ce qui lui donne des airs taciturnes... Cela ne veut pas dire qu'il n'observe pas ou n'entend pas. Il n'est pas indifférent. Pas absent. Et il donne des preuves, exubérantes parfois, qu'il est loin de ne prêter au monde qui l'entoure qu'une attention furtive. Car il lui arrive d'avoir de brusques accès d'expansivité. Alors plus tard, résigné devant les critiques que lui valait son impassibilité, il en fait un système; cela lui permet du moins de ne pas surprendre quand il en vient à cacher la spontanéité d'émotions qui sont à son honneur.
    « Louis, tu penses à autre chose », lui disait souvent sa mère. Il lui répondra indirectement dans le cahier de réflexions et de maximes qu'il tenait, adolescent: « Vous ne dites pas ce que vous pensez, me dit-on. Veut-on dire par là que je sais me défendre? »
    On l'a présenté encore comme un velléitaire — on l'a dit —, un rêveur, un utopiste. Peut-être, ou sans doute. Et le reproche lui est fait d'avoir poursuivi des chimères. Certaines chimères étant parfois de remarquables intuitions... Pourtant il est vrai qu'on observe souvent chez lui un décalage entre l'intention affichée et les moyens mis en oeuvre.
    Ce décalage ne sera pas toujours involontaire. Mieux que quiconque, il savait que la politique, c'est l'art de concilier le souhaitable et le possible. Et s'il était totalement maître de la vision, il était largement tributaire des autres pour en assurer l'exécution.
    Pour autant, il sait ce qu'il veut. Et généralement, rien ne le détourne de son objectif, même s'il sait donner du temps au temps.
    On a cru trouver une contradiction entre les surnoms dont l'affublait la reine Hortense qui parlait de lui, à la fois, comme d'un « doux entêté » et d'un grand dispensateur de « oui, oui ». En fait son « oui oui », c'est un « oui, parle toujours, tu m'intéresses »... mais il n'abandonne jamais son idée.
    En réalité, c'est un tenace, un persévérant, ou même — en apparence — un besogneux, mais d'autant plus déterminé que rien ne paraît l'indiquer... C'est bien ainsi que le verra Renan: comme une « nature profonde, rêveuse, embarrassée, mais forte et obstinée, incapable d'être distraite de son idée fixe... Il avait la volonté inflexible du croyant, la gaucherie de l'obstiné renfermé à la manière d'un somnambule dans un monde fantastique, hanté dès lors de cette espèce d'hallucination du spectre napoléonien ».
    En tout cas, entre le fils et la mère, quelle complicité! Complicité à la mesure de la suspicion qui entourait la naissance de l'un, la conduite de l'autre, à la mesure des épreuves et des espérances partagées. Il l'adorait. Il la vénérait. Elle était tout pour lui. Il l'embrassait, la cajolait sans cesse. Jamais entre eux n'apparut le moindre nuage.
    Plus d'un demi-siècle après la mort d'Hortense, l'impératrice Eugénie en concevra encore comme une sorte de jalousie inavouée: « L'Empereur a toujours manifesté à l'égard de sa mère une dévotion extraordinaire. Je ne sais pas si elle la méritait à ce point ».
    Il est vrai qu'Eugénie n'eût probablement pas toujours apprécié la conversation et les idées de sa belle-mère. Politiquement, Hortense était assez éclectique, pour ne pas dire carrément syncrétiste. La France lui paraissait davantage compter que les régimes qui l'incarnaient. Et elle n'avait de prévention à l'égard de personne... C'est à elle sans doute que Louis Napoléon doit ce qualificatif d'« inclassable », qui déplaît tant, à travers les siècles, à tous les microcosmes politiques.
    Spontanément, Hortense eût plutôt été légitimiste, de par son hérédité, de par sa formation, et parce que, tout compte fait, c'était dans ce milieu qu'elle trouvait le plus de ces gens bien élevés avec lesquels elle aimait vivre. Fille adoptive, en même temps que belle-soeur de Napoléon I er , elle avait par la force des choses épousé la cause bonapartiste, qu'elle ne pouvait décemment pas renier.
    Mais sentimentale comme elle l'était, elle éprouvait aussi de la sympathie pour les républicains, proscrits comme elle. Ce n'est pas le moindre de ses paradoxes, mais c'est ainsi. Elle, la fille d'un guillotiné, avait

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