Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
la princesse de Soubise –, selon les propos d’Athénaïs, est « une belle pomme gâtée en dedans ».
Il entend Athénaïs. Elle parle d’une voix badine, mais elle détruit toutes ses rivales. Elle se moque de Mme de Ludres, dont le corps se serait couvert de dartres.
Il mesure la jalousie, les craintes de sa maîtresse régnante. Et cela ne lui déplaît point. La gloire d’un roi tient aussi à la beauté, à la noblesse, à l’esprit de la jeunesse et à la jalousie des femmes qu’il conquiert.
N’est-il pas, à l’égal d’Apollon, le Roi-Soleil ?
Et il n’est pas mécontent quand il apprend par les espions du lieutenant général de police que l’on colporte, à Paris, ce poème :
La Vallière était du commun
La Montespan était la noblesse
La Ludres était chanoinesse
Toutes trois ne sont que pour un
C’est le plus grand des potentats
Qui veut rassembler les États.
Mais quand il voit s’avancer Athénaïs de Montespan, dans l’un de ces déshabillés, ou des transparents ornés de falbalas de dentelles, ces modes qu’elle a lancées, il est flatté par sa prestance. Et quand elle revêt sa robe tout entière cousue d’or, elle l’éblouit.
Athénaïs de Montespan est la plus solaire, la plus glorieuse des femmes du royaume.
52.
Et si Athénaïs de Montespan était aussi une menace ?
Seul, accoudé à la table de marbre, il veut chasser cette pensée. Mais elle revient et le tourmente.
Athénaïs dans sa robe d’or resplendit tel un joyau enchâssé dans une étoffe divine.
Mais il ne veut pas être aveuglé, entraîné dans les querelles qui opposent Athénaïs à Mme de Maintenon.
L’une souvent accable l’autre. Mme de Maintenon laisse entendre qu’elle songe à quitter la Cour pour échapper à la vindicte d’Athénaïs, jalouse des attentions du roi pour la gouvernante de ses enfants.
Louis soupire. Il feuillette ces lettres, ces rapports, que Louvois, Colbert ou le lieutenant général de police La Reynie lui remettent pour qu’il en prenne connaissance.
Il y a cette missive de l’abbé Gobelin, le confesseur de Mme de Maintenon, qui lui conseille de demeurer à la Cour, auprès du roi :
« Soyez indifférente à ce qui peut vous contrarier, écrit l’abbé, oubliez ce qui trouble votre repos, cherchez Dieu dans tout ce que vous faites mais au nom de Dieu ne partez sous aucun prétexte. Accrochez-vous. »
Louis relit.
Il a le sentiment qu’on veut une nouvelle fois l’entraver, et que Mme de Maintenon, la bonne, la douce, est l’instrument des dévots, scandalisés, comme ils disent, que le roi prenne toutes les femmes, pourvu qu’elles se donnent et fassent mine d’être amoureuses de lui !
Louis se sent las.
Il doit aussi subir les sautes d’humeur d’Athénaïs, tout à coup violente et criarde, jalouse de telle ou telle de ces jeunes femmes que pourtant elle lui présente et lui offre. Puis elle s’en repent, elle s’enferme, craignant d’être supplantée, annonçant qu’elle est une nouvelle fois enceinte, dévoilant la violence de son caractère, grimaçant, cessant d’être cette femme souriante et souveraine.
Ces scènes lassent Louis.
Il se détourne et s’éloigne. Il sent monter en lui un mépris mêlé d’indifférence. Il devine qu’un jour il n’aimera plus Athénaïs de Montespan, et cela le rassure et l’attriste.
À cet instant Athénaïs, comme si elle percevait ce qu’il ressent, cesse aussitôt de récriminer. Elle redevient séductrice, rayonnante, provocante et soumise.
Elle est prête à lui faire découvrir la beauté de telle ou telle de ses suivantes, ou bien l’incite à céder aux roueries de cette gracile rousse, la princesse de Soubise.
Naturellement il succombe.
Un corps jeune et nouveau, cela ne se refuse pas. Mais quand il retrouve Athénaïs de Montespan, elle lui semble un fruit savoureux mais un peu blet déjà, et il est amusé et irrité quand il apprend qu’on fait des chansons, à Paris, sur Louise de La Vallière et sur Athénaïs, se moquant de
L’une boite et marche en cane
L’autre forte et rubicane
L’une est maigre au dernier point
L’autre crève d’embonpoint.
Mais La Vallière est devenue carmélite et n’est plus que Louise de la Miséricorde.
Il n’imagine pas Athénaïs de Montespan quittant la Cour sans livrer bataille. Elle n’a aucune des faiblesses de Louise de La Vallière. C’est une Rochechouart de Mortemart.
Serait-elle capable, dans un
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