Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
Clagny.
Et que les dévots se lamentent ! Qu’ils demandent à des saintes dames de veiller à Versailles et à Clagny à ce que le roi et Mme de Montespan n’aient que des entrevues de pure amitié.
Peu lui importe !
Il ne veut plus se contenter de ce vis-à-vis courtois.
À Clagny, les larmes lui viennent aux yeux quand il est en face d’Athénaïs de Montespan.
Elle pleure aussi.
Et il murmure qu’il est fou, qu’il l’aime.
Il lui prend la main. Et tous deux, après une révérence aux saintes chaperonnes, se retirent dans les appartements d’Athénaïs.
Enfin ce corps qui s’abandonne, la joie qui revient. L’énergie qui l’envahit.
Il a le sentiment que la contrainte, la pénitence, le renoncement au plaisir que les dévots lui ont conseillés, qu’il a acceptés, l’affaiblissaient.
Comment Dieu pourrait-il souhaiter que le Roi Très Chrétien ne soit plus aussi grand qu’il peut, qu’il doit l’être ?
Un roi doit être un homme satisfait s’il veut bien gouverner son royaume.
51.
Il est épanoui, comme il ne l’a jamais été.
Il parcourt auprès d’Athénaïs de Montespan les pièces du château de Versailles qui peu à peu s’étend, puis il gagne les appartements d’Athénaïs au château de Clagny.
Trois fois par semaine, il réunit les courtisans, à l’occasion de ce qu’on appelle à la Cour l’« appartement ».
À partir de trois heures de l’après-midi, les courtisans déambulent dans les sept grandes pièces des appartements du roi.
Il a l’impression que la Cour est au diapason de son humeur joyeuse. Il voit Mme de Maintenon converser aimablement avec Mme de Thianges, puis sourire aux jeux d’esprit d’Athénaïs de Montespan.
Il passe entre les tables de jeu que l’on a dressées.
Il aperçoit la reine, passionnée par les cartes comme à son habitude et perdant de grosses sommes puisqu’elle ne connaît même pas les règles de la partie. À une autre table, c’est Athénaïs qui joue, sans plus de succès.
La reine puisera dans sa cassette. Mais c’est lui qui paiera les dettes de celle qu’on appelle la maîtresse régnante.
Parfois il s’absente, se retire dans l’antichambre, y lit quelques lettres déposées sur la table de marbre, dicte des réponses.
Il est favorable à ce que l’on continue les pourparlers engagés à Nimègue et qui, peut-être, aboutiront à la paix avec les Provinces-Unies, l’Espagne et les électeurs allemands.
Il reçoit une longue missive de l’amiral Duquesne qui raconte les batailles qu’il a livrées victorieusement au large de la Sicile contre les Espagnols et les Hollandais.
« Cette mer est désormais la vôtre, Sire », écrit-il.
Louis a un sentiment de plénitude. Dieu veille sur lui et sur le royaume. Et les dévots se trompent sur les intentions du Tout-Puissant.
Louis retourne dans le grand salon.
On y joue toujours un jeu d’enfer. Mais il invite Athénaïs à le rejoindre, à monter à ses côtés en calèche, en compagnie de Monsieur le duc d’Orléans et de Mme de Thianges. Toute la Cour suit, les voitures formant un long cortège qui parcourt les jardins de Versailles jusqu’au canal.
On embarque sur des gondoles et des vaisseaux, les violons agrémentent la promenade, puis on rentre au château. On joue ou l’on assiste à une représentation, avant de s’attabler, pour médianoche.
Ensuite Louis gagne ses appartements et de là ceux d’Athénaïs.
Plus tard il ira s’allonger au côté de la reine.
Il lui semble qu’il n’y a pas de limites à son désir, comme il n’y a pas de fin à son appétit.
Il dévore les mets et les femmes.
Il sait par les lettres saisies qu’à la Cour on dit que « l’on sent la chair fraîche dans le pays de Quanto ». Et il est vrai qu’Athénaïs de Montespan, maintenant qu’elle règne à nouveau, est entourée de jeunes femmes, Marie Élisabeth de Ludres, Mlle des Œillets, Mlle de Grancey, la princesse de Soubise, et la princesse Catherine Charlotte de Monaco, surintendante de la Maison de Madame et qui a proposé à celle-ci de l’initier aux plaisirs de Lesbos, mais la Palatine a refusé.
Comment ne pas être tenté, quand il suffit d’un signe pour que ces jeunes beautés se livrent ?
Et Louis les prend et les dévore, même s’il se méfie de leurs confidences qu’on lui rapporte.
L’une, la princesse de Monaco, a dit que « sa puissance est grande mais son sceptre tout petit ».
L’autre
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