Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
chambre de Marie-Angélique de Fontanges. Il s’approche d’elle avec un désir inassouvi, et il la chevauche avec la fougue des premières nuits.
Et pourtant, parfois, avec une sorte d’étonnement, il constate qu’après l’amour, une fatigue qu’il n’avait jamais connue l’écrase, pèse sur ses épaules et sur sa nuque.
Il baisse la tête, ferme les yeux, somnole dans le fauteuil placé devant la cheminée. Il entend Marie-Angélique de Fontanges chantonner alors qu’il a du mal à respirer, qu’il soupire, oppressé, las, le visage tout à coup empourpré par une bouffée de chaleur.
Il reste ainsi, laissant l’aube venir, incapable de retrouver l’énergie pour se redresser, quitter cette chambre, regagner ses appartements ou rejoindre la reine.
Enfin il se lève.
Il ne rend plus visite à Athénaïs de Montespan.
Elle a d’ailleurs dans un mouvement de colère quitté le château de Saint-Germain pour Paris, afin de marquer son indignation, contre le « grand péché commis par le roi » qui l’a trahie et l’humilie avec cette vulgaire Fontanges, qui n’est qu’un petit animal de basse-cour.
Peut-être Athénaïs espérait-elle qu’il viendrait la supplier de revenir au château, d’être le fleuron le plus brillant de la Cour.
Mais il ne fait aucune démarche auprès d’elle. Ce corps alourdi ne l’attire plus. Il ne la rejette pas. Elle a sa place au premier rang, dans la chapelle, à sa table, dans son carrosse, mais elle devra accepter la reine, Marie-Angélique de Fontanges, et aussi Mme de Maintenon.
Il veut qu’Athénaïs comprenne que, s’il ne la désire plus – ou si peu –, il veut encore lui manifester sa considération.
Il dicte à Colbert la décision qu’il vient de prendre.
« Le roi voulant donner des marques particulières de la considération et de l’estime qu’il fait de la personne de Mme de Montespan en lui accordant un rang qui la distingue des autres dames de la Cour, Sa Majesté veut qu’elle jouisse pendant sa vie des mêmes honneurs, rangs, prérogatives, préséances et autres avantages dont les duchesses jouissent. »
Il est amer quand, au lieu de lui exprimer sa gratitude pour ce signe éclatant qu’il lui offre, aux yeux de tous, il doit affronter la colère d’Athénaïs, son dépit, sa violence même. »
Elle n’aura pas le titre de duchesse, crie-t-elle. Marie-Angélique de Fontanges l’obtiendra, comme Louise de La Vallière l’avait eu ! Elle, une Rochechouart de Mortemart, n’a-t-elle pas donné six enfants au roi ?
Elle est mariée, lui fait-il répondre par Colbert. Fallait-il que Montespan devînt duc et fît un nouvel esclandre ?
Elle proteste à nouveau auprès de lui.
Il déteste ces criailleries. Il dit :
— Le roi n’aime pas ce qui fait du bruit.
Puis il ajoute :
— Je vous l’ai dit déjà, madame, je ne veux pas être gêné.
Il a tant d’affaires à conduire en ses Conseils, qu’il ne veut point que ces querelles de femmes obscurcissent son esprit, comme les nuages le font d’un ciel serein.
Il doit réunir Louvois et Colbert, qui veulent chacun réduire l’influence de l’autre.
Parfois ils se liguent pour écarter du Conseil tel ou tel qui n’appartient pas à leurs coteries rivales.
Il a accédé à la requête de Louvois qui demandait que l’on retire à Pomponne le secrétariat d’État aux Affaires étrangères. Mais il a nommé en lieu et place le propre frère de Colbert, Colbert de Croissy, et ainsi il a contenu l’influence de Louvois.
Gouverner en roi, c’est équilibrer tous les autres pouvoirs, ceux des ministres, ceux des Grands, et ceux des sujets qui veulent se regrouper.
— Le roi, dit-il, ne veut point de ralliement.
Qu’il s’agisse de protestants ou de jansénistes, il refuse que les pasteurs ou ces messieurs de Port-Royal rassemblent autour d’eux des affidés.
L’autorité royale doit empêcher ces réunions de croyants, hérétiques ou aux marges de l’Église.
Elle doit aussi interdire aux gentilshommes de s’affronter en duel. Car la seule querelle qui vaille est celle que le roi décide d’engager.
Et précisément, il a besoin de gentilshommes pour parcourir, sur les frontières du Nord et de l’Est, les « dépendances », des villes annexées par le royaume, en vertu du traité de Nimègue.
Il faut que ces agents du roi, dans les villages, les châteaux, découvrent des chartes prouvant que ces lieux sont rattachés à
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