Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
gloire.
Louis sait qu’il faut veiller sur elle comme sur le bien le plus précieux que possède un souverain.
Il a, lors de cette dernière campagne, interdit à son frère de conduire des assauts. Il a voulu que Philippe d’Orléans ne soit qu’un spectateur et maintenant, sous une pluie battante, le 12 octobre 1678, Louis visite avec le cœur piqué par une pointe de jalousie le nouveau château de Philippe, à Saint-Cloud.
Il ne peut que reconnaître la grâce des peintures de Pierre Mignard. Il admire la succession des pièces, le salon de Mars, la galerie d’Apollon, le salon de Diane, décorés par ce peintre.
Il se tourne vers Élisabeth-Charlotte.
— Je souhaite fort, madame, dit-il, que les peintures de ma galerie de Versailles répondent à la beauté de celles-ci.
Il ne veut pas laisser à Philippe le monopole de ce peintre. Et il invite Mignard à venir à Versailles, afin d’y décorer l’appartement du Dauphin.
Et il reproche à Colbert d’avoir écarté Mignard des travaux de Versailles. Un roi ne doit jamais abandonner ou partager une parcelle de ce qui fait la gloire.
Et c’est pour cela que Louis veut rassembler autour de lui, dans ses châteaux, tous ceux qui pourraient, parce qu’ils sont d’illustre lignée, briller en leur demeure.
Ils doivent être là, dans ces derniers jours de l’année 1678, assis autour des tables de jeu dans les salons du château de Saint-Germain, et bientôt dans ceux de Versailles.
S’ils sont ici, à jeter sur les tables des dizaines de milliers de livres, à se ruiner – et même Philippe doit mettre en gage ses pierreries, après avoir tout perdu en quelques tournées de cartes –, ils sont soumis.
Louis reste un instant debout près de la table où joue Mme de Montespan.
Elle est toujours majestueuse, mais ses formes, après une dernière grossesse, et la naissance d’un fils, légitimé sous le nom de comte de Toulouse, deviennent lourdes. Le visage s’empâte. Elle a perdu de sa grâce.
Elle cède souvent à la colère. Elle est impérieuse, acerbe, peu respectueuse de la reine. Et il a dû lui rappeler à plusieurs reprises qu’elle doit honorer Marie-Thérèse.
— Souvenez-vous madame, qu’elle est votre maîtresse.
Mais Athénaïs de Montespan est une de Rochechouart de Mortemart, qu’aucune noblesse ne peut impressionner.
Il la regarde. Elle perd en trois passes sept cent mille livres. Elle se tourne vers lui, le défiant du regard, sachant bien qu’il paiera ses dettes. Elle veut tenter de combler ses pertes par une mise de cinquante mille livres. Et elle regagne les sommes perdues. Elle se lève, si lourde qu’elle en chancelle.
Elle va s’asseoir pour le souper, engloutir avec excès viandes et sucreries.
Il éprouve pour la première fois, à l’observer, un sentiment de lassitude, presque de répulsion.
Il s’éloigne. Marie-Angélique de Fontanges doit l’attendre dans ses appartements reculés du château.
Il s’y rend d’un pas lent.
En cette année 1678 qui s’achève, il vient d’avoir quarante ans. Même pour un roi, la vie passe.
CINQUIÈME PARTIE
1678-1682
56.
Il a donc plus de quarante ans.
Il s’efforce à ne pas penser à cette frontière de sa vie qu’il vient de franchir.
Et cependant l’impatience le gagne, comme s’il sentait que le temps peut lui manquer.
Il parcourt, suivi par Colbert, les architectes et quelques courtisans, les chantiers du château de Versailles.
Il veut qu’on y entreprenne aussitôt la construction des grandes et petites écuries. Dans quelques mois, dit-il, il veut s’installer à demeure à Versailles, avec toute la Cour. Tout doit donc être prêt pour accueillir dans les salons, lors des fêtes et des réceptions, plusieurs milliers d’invités, dont une grande partie vivra en permanence au château ou dans ses alentours.
Il entraîne l’architecte Hardouin-Mansart, lui montre, à deux lieues de Versailles, une petite hauteur, entourée de forêts. Il veut qu’ici s’élève, en ce lieu dit Marly, un château, où il pourra séjourner, avec des proches et des courtisans qu’il aura distingués, à l’écart de la foule qui se pressera à Versailles.
Quarante ans, pour un homme tel que lui, sur lequel veille le Seigneur, ce n’est que le plein midi de la vie, et non le commencement du crépuscule.
Il chasse le cerf, le sanglier et les femmes avec une énergie qu’il ne sent pas diminuée.
Et chaque nuit, il entre dans la
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