Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
C’est l’esprit Mortemart, et c’est aussi l’une des séductions d’Athénaïs, qu’aucune des femmes qu’il a connues ne possède, et surtout pas cette Marie-Angélique de Fontanges, dont il sait qu’à la Cour on dit qu’elle est sotte comme un panier.
Il n’imagine pas remplacer l’une par l’autre. Mais il continue de dissimuler sa liaison avec Mlle de Fontanges, sûr pourtant que le secret est percé, comme le feuillet de Primi Visconti l’a confirmé.
Et d’ailleurs, Athénaïs de Montespan est avertie.
Elle crie avant de jouer l’indifférente, puis la colère l’emporte à nouveau. Elle a dû apprendre que Marie-Angélique de Fontanges loge dans un appartement isolé du château de Saint-Germain.
Il l’interrompt.
— Vous me tracassez trop et j’en suis las.
Sous les murs de Gand, Athénaïs semble s’être calmée. La guerre, avec ses fracas, ses morts et la gloire, repousse au loin les rumeurs.
Louis entre dans la ville, exige que les soldats vaincus défilent devant lui. Puis c’est Ypres qui tombe, et d’autres places fortes.
Guillaume d’Orange livre une dernière bataille à Mons alors que les diplomates ont déjà conclu à Nimègue cette paix tant attendue.
Louis rend Maëstricht et Gand, et les places de Courtrai, Audenarde et Charleroi. Mais il garde la Franche-Comté, et des places des Flandres qui forment une ligne continue plus facile à défendre. Valenciennes et Cambrai, Maubeuge, Saint-Omer et Ypres deviennent françaises.
Les peintres Van der Meulen et Charles Le Brun, dont il a voulu qu’ils suivent la Cour et l’armée, lui présentent leurs premières esquisses. Les tableaux qui en naîtront illustreront la voûte de la galerie des Glaces à Versailles.
Il faut que tous les visiteurs du château et tous les sujets du royaume sachent que Louis le Grand a triomphé, qu’il est le maître de l’Europe et qu’il peut choisir de l’asservir ou de lui donner la paix.
Que dans chaque paroisse on célèbre des Te Deum ! Que les académiciens et les historiographes exaltent le roi.
« Tout a cédé, tout s’est rendu à ses armes invincibles. Il semble que le ciel n’ait permis l’union de tant de puissances contre la sienne que pour lui préparer des matières de triomphe dans toutes les parties de l’univers. »
Voilà une harangue – celle de l’académicien François Charpentier – qui lui convient.
Il regarde Colbert.
Le contrôleur général des Finances est encore plus sombre qu’à l’habitude. Il doit additionner les sommes dépensées, regretter l’abandon, au traité de Nimègue, des tarifs douaniers qui protégeaient les manufactures royales de la concurrence hollandaise.
Il doit craindre que les compagnies de commerce, et même celle qui organise la traite des esclaves du Sénégal aux Antilles, ne puissent se développer, confrontées à la puissance de l’Angleterre et de la Hollande désormais associées.
Colbert fait grise mine.
Louis d’un geste lui interdit de s’exprimer.
Il ne veut pas entendre les lamentations d’un ministre. Il les devine. Les caisses sont vides. Les impôts deviennent trop lourds. Des paysans, des boutiquiers harcelés, ne pouvant payer ce qu’ils doivent, préfèrent parfois se pendre après avoir tué leurs proches !
Louis a lu cela dans les rapports des espions qu’on lui remet.
Mais on peut espérer apporter la prospérité à ses sujets et savoir que la gloire d’un roi ne se mesure pas comme une pièce de drap, ne s’évalue pas comme un setier de grains !
Un roi doit vouloir que le royaume de France soit le plus puissant d’Europe. Et il l’est devenu, et il s’agit maintenant de le protéger.
Louis nomme Vauban commissaire aux fortifications. Il donne son accord pour que tout au long des frontières, sur les arêtes rocheuses des Pyrénées et des Alpes, dans les îles et les ports, s’élèvent des forteresses qui rendront le « pré carré » inviolable.
Il se fait présenter le plan de ces places fortes qui constitueront autour du royaume une « ceinture de fer ».
Et certaines d’entre elles porteront son nom : Fort-Louis ou Mont-Louis.
Même le premier des militaires ne peut imaginer ce qu’un roi éprouve quand la gloire le soulève au-dessus du commun des souverains !
Un ministre, et même Colbert, et même Louvois, n’est que le régisseur d’un domaine qui ne lui appartient pas.
Qu’il obéisse et donne au roi les moyens de la
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