Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
ces villes, que ce sont des « dépendances » et qu’en conséquence ils doivent être « réunis » aux villes acquises.
Voilà une grande affaire, qui doit permettre, à partir de Dole, de Besançon, de Brisach, de Metz, Toul et Verdun, une « politique de réunion », qui, sans guerre, permettra au royaume de s’agrandir encore, de conquérir, par le jeu des droits, la Lorraine, l’Alsace, qu’aussitôt Vauban fortifiera.
Il pense à cela en somnolant dans la chambre de Marie-Angélique de Fontanges dont la jeunesse bruyante l’agace. Elle n’est qu’une femme de lit.
Il préfère la quitter, rejoindre la tranquille Mme de Maintenon.
Il s’assoit à ses côtés. Elle respecte son silence. Il s’assoupit, apaisé. Il peut laisser son corps se relâcher, las, fatigué, épuisé même. Lorsqu’il rouvre les yeux, Mme de Maintenon lui parle des enfants du roi qu’elle a élevés. Elle invoque Dieu. Elle chuchote.
Elle est si calme qu’il a l’impression d’être enveloppé dans une tiède douceur.
Elle murmure, complice, qu’elle a conseillé à Mme de Montespan – « que Dieu lui pardonne le double adultère qu’elle a commis » – de se tourner vers le Seigneur Tout-Puissant, de confesser ses fautes. Femme mariée devant Dieu, elle a été sacrilège.
Louis écoute.
Il a constaté qu’Athénaïs de Montespan semble s’être calmée.
Marie-Angélique de Fontanges lui a confié avec une joie naïve que Mme de Montespan l’avait prise en amitié, qu’elle lui prodiguait des conseils et l’aidait à choisir ses toilettes.
Et Marie-Angélique veut manifester sa reconnaissance à cette grande dame, son aînée, lui offrir ces bijoux qu’elle aime tant.
Louis ouvre sa cassette. Il ne souhaite entre ces femmes que la meilleure entente possible. Il veut pouvoir obtenir de chacune d’elles ce qu’elles possèdent et qu’il apprécie.
De Mlle de Fontanges, sa juvénile ardeur rousse. D’Athénaïs de Montespan, le jaillissement de son esprit et cette majesté d’allure qui continue d’impressionner.
De la reine ? Elle est la reine et cela suffit.
Quant à Mme de Maintenon, elle incarne la modestie pieuse, la présence rassurante, l’indulgence bienveillante d’un directeur de conscience, qui est aussi une femme, au corps mûr et replet, dont il a aimé les soupirs et les abandons.
Il ne repousse aucune d’entre elles.
Mais elles ne peuvent rien exiger de lui.
Le roi ne donne que ce qu’il veut.
57.
Louis murmure :
— Ces femmes, est-ce possible ?
Mais le lieutenant général de police, Gabriel Nicolas de La Reynie paraît ne pas avoir entendu.
Il est debout, à quelques pas, de l’autre côté de la table de marbre derrière laquelle Louis se tient assis.
À chaque mot que prononce La Reynie, Louis a l’impression qu’un carcan le garrotte, qu’il respire avec peine, qu’on écrase sa nuque et ses épaules.
Il répète, plus bas encore :
— Ces femmes, est-ce possible ?
Il pense à Athénaïs de Montespan et à l’une de ses suivantes, Mlle des Œillets, dont il se souvient qu’elle avait prétendu porter une fille de lui, qu’il avait refusé de reconnaître.
Gabriel Nicolas de La Reynie n’a pas prononcé leurs noms, mais au moment de la mort de Madame, Henriette d’Angleterre, on avait parlé de poison, accusé les mignons de Monsieur, et assuré qu’Athénaïs de Montespan et Mlle des Œillets avaient rendu visite à cette ancienne accoucheuse, à cette cartomancienne, à cette astrologue, à cette alchimiste, Catherine Deshayes, épouse Monvoisin, dite la Voisin, qui habitait dans ces quartiers situés autour de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, avec des complices, des abbés retournés en suppôts du démon, des empoisonneurs qui fabriquaient leurs drogues dans des caves, des masures, des baraques situées au fond des jardins. Et on avait affirmé que dans leurs cérémonies, ils se servaient du sang de fœtus ou de nouveau-nés, dépecés, brûlés, leurs restes enterrés dans des enclos secrets.
Il avait déjà été stupéfait que la marquise de Brinvilliers ait prétendu que des dames de qualité usaient comme elle de poisons, mais qu’elle ne livrerait pas leurs noms.
Mais le lieutenant général de police dit que la duchesse de Foix, et la duchesse de Bouillon, nièce de Mazarin, et la comtesse de Soissons…
Louis lève la main, interrompt La Reynie, fait répéter ce nom, car c’est celui d’Olympe Mancini,
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