Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
respectueux de Dieu et de la reine, l’âme la plus sincère qui soit dans l’État.
Puis le père Paulin accompagne Louis hors de la chapelle, s’incline, et Louis rejoint ses maîtres d’études et d’armes, de ballet et de musique.
Il brise des lances, danse, traduit les Commentaires de César, déjeune et dîne, soupe de bon appétit, entouré d’une bande de jeunes joueurs de violon qui le divertissent.
Parfois, il chasse aux alentours de Paris, ou bien il joue à attaquer le fort qu’il a fait construire dans les jardins du Palais-Royal.
Il s’applique à chaque chose.
Un roi ne peut agir légèrement. Il doit exiger, même de ses compagnons de jeu, respect et obéissance. Et il faut que tous plient, et d’abord ce frère cadet. Monsieur, qui parfois se rebiffe et qu’il faut punir, pour lui rappeler qu’il n’est que le premier des sujets du roi.
Un roi n’admet qu’un seul maître, Dieu.
Lorsque Louis sort de l’église après avoir assisté à la messe, ou s’être confessé au père Paulin, il se sent plus fort encore, plein d’impatience.
Il voudrait pouvoir affronter dès maintenant, alors qu’il n’a que douze ans, son oncle le duc d’Orléans, ces Grands tels le prince de Condé et son frère le prince de Conti, ou le duc de Longueville qui a épousé la sœur de Condé et de Conti. Louis a appris, en écoutant sa mère et Mazarin, qu’ils complotent.
Le capitaine des gardes, Guitaut, a même, sur l’ordre d’Anne d’Autriche, multiplié les rondes.
Louis a dû quitter les jardins, suivre le capitaine chargé de veiller sur lui. La reine craint qu’on ne songe – qui ? Gaston d’Orléans, Condé, Conti, Longueville ? – à enlever le roi, comme on prépare peut-être l’assassinat de Mazarin et, qui sait, celui de la reine elle-même.
Louis, ce 19 janvier 1650, voit sa mère s’approcher de lui, lui saisir la main, l’entraîner d’un pas rapide, suivie par quelques gardes suisses, jusqu’à son oratoire, au bout de ses appartements.
Louis s’étonne des précautions qu’elle prend, faisant placer les gardes devant la porte, veillant elle-même à ce qu’on la ferme. Puis elle fait agenouiller Louis près d’elle. Elle lui tient la main. Ils sont face à l’autel dans la pénombre.
Elle a pris une grave décision, dit-elle, dont elle veut avertir son fils, le roi.
Louis la regarde. Jamais il ne l’a trouvée si belle. Ses yeux ont des reflets verts. Sa peau est d’une blancheur de satin. Ses mains sont longues et fines. Il l’aime. Il la respecte.
Elle lui murmure qu’elle vient d’ordonner l’arrestation du prince de Condé, du prince de Conti et du duc de Longueville. Elle a aussi demandé qu’on se saisisse de leurs femmes. Il faut briser, dit-elle, ces Grands qui le menacent, lui, le roi qu’ils veulent déposséder de son pouvoir, avant que dans un an et demi il ne soit majeur.
Louis l’admire. Il prie.
Ils sortent de l’oratoire. Le capitaine des gardes attend, rend compte de l’arrestation des deux princes et du duc, que l’on va enfermer au château de Vincennes, puis loin de Paris, sans doute au Havre.
— Voilà un beau coup de filet, murmure Mazarin. On a pris un lion, un singe et un renard. Mais ce sera la guerre dans toutes les provinces.
Il faut la faire.
Louis ne montre pas la joie qu’il éprouve à quitter Paris, où l’on festoie pourtant après avoir appris l’arrestation des princes, et où l’on crie « Vive la reine ! Vive le roi ! ».
Mais les partisans des princes ont pris les armes et un roi doit faire la guerre pour sa gloire, sa puissance, et pour contraindre à l’obéissance ceux qui se rebellent.
Louis aime chevaucher avec cette petite armée qui escorte les voitures où se trouvent la reine, quelques courtisans, que rejoint parfois Mazarin.
Il découvre cette campagne française, son royaume, ces paysans qui s’inclinent devant lui, son peuple. Il voit leurs haillons, leurs masures, leur misère.
Là c’est la Normandie, où tente de résister la duchesse de Longueville. On entre dans Rouen, sous la pluie fine d’un jour de février 1650. Les maisons sont de pierre grise et ressemblent à des palais qui seraient aussi des forteresses. La foule est là qui l’accueille.
C’est son royaume et l’une de ses grandes villes.
Puis c’est la Champagne, la Bourgogne.
Il regarde. Il est le roi de ces forêts, de ces villages et de ces villes, de ces abbayes.
Il commande
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