Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
son ample robe.
Elle le saisit par la taille, elle le presse contre elle. Il enfouit son visage dans cette poitrine palpitante. Elle chuchote qu’elle est son esclave. Celle qui va lui faire découvrir ce que c’est que d’être un homme. Et il sera le plus grand de tous. Les femmes s’agenouilleront devant lui. Elles l’aimeront toutes. Qu’il la laisse le conduire.
Elle glisse ses mains sous son pourpoint de soie.
Il ne sera plus un enfant.
Il a l’impression, quand il regagne l’aile du Palais-Royal où se trouve sa chambre, que son corps s’est dégagé des liens qui l’entravaient. Il bouscule avec dédain son frère Philippe, et celui-ci, au lieu de se jeter sur lui, comme si souvent il l’a fait, s’écarte, maugrée mais se soumet.
Quelque chose a changé. Et dans quelques mois, en septembre, quand devant le Parlement on célébrera sa majorité, il sera le maître, enfin le roi. Mais il faut que s’écoulent ces premiers mois de l’année 1651, durant lesquels il est encore soumis, s’arrachant jour après jour à cette treizième année qui tente de l’emprisonner.
Quand il aura treize ans, il régnera.
Déjà on le regarde différemment. Tous ceux qui veulent rabaisser le pouvoir royal conspirent, qu’ils soient princes ou parlementaires. Ils unissent leurs forces, leurs frondes. Ils réclament la libération des princes, Condé, Conti, Longueville, toujours emprisonnés. Ils veulent agir vite, avant que le roi ne soit majeur. Et le plus tortueux, le plus ambitieux d’entre eux est Gaston d’Orléans, cet oncle jaloux, qui tour à tour se présente comme le plus fidèle soutien, et quelques heures plus tard change de camp, prend le parti des princes.
Louis est debout, près du lit de sa mère. Elle est plus pâle encore qu’à l’habitude, plus belle aussi. Elle est couchée, ne réussissant pas à s’arracher à cette maladie qui affine et creuse ses traits. Elle doit recevoir le président du Parlement, Molé, qui avec Gaston d’Orléans exige – il ose ce mot – qu’on relâche les princes emprisonnés, parce que, dit-il, les retenir est un déni de justice. Et il souhaite que la reine convoque les états généraux du royaume.
Il évoque la misère des campagnes, les épidémies, les milliers de paysans qui ne se nourrissent plus que d’herbes, et meurent de faim. Louis serre les poings sans que son visage révèle sa colère.
Quand le président Molé est sorti, il murmure à sa mère :
— Madame, si je n’eusse point craint de vous fâcher, j’eusse par trois fois fait taire et sortir le premier président.
Elle lève la main en un geste las. Elle lui sourit. Elle dispose de si peu de troupes, dit-elle. Elle ajoute que tous les ennemis du roi veulent le départ de Son Éminence.
Louis a entendu les cris de la foule :
— Dehors, Mazarin, à mort le larron italien ! Point de Mazarin dans le lit de la reine !
Et Gaston d’Orléans a plusieurs fois demandé le départ du cardinal. Louis s’indigne. Tous ses ennemis et ceux de sa mère haïssent Mazarin. Il faut donc défendre le cardinal, dont Louis admire l’allure, la maîtrise de soi, l’œil et l’esprit vifs, et la douceur du visage.
C’est Mazarin qui lui a lu, de sa voix chantante, la dépêche que l’ambassadeur de Venise a adressée au doge de la République.
Mazarin s’est incliné en souriant. Il a les moyens de connaître tout ce que les ambassadeurs écrivent, confie-t-il. Et celui de Venise est l’observateur le plus aigu et le mieux informé de Paris.
— Voilà ce qu’il dit de Votre Majesté.
Mazarin lit :
« Sa Majesté Louis XIV possède une de ces natures vives et pleines d’agrément qui annoncent les grandes vertus. Il est robuste, ses yeux ont du feu. Il se sait roi et veut qu’on le traite en roi. Lorsque les ambassadeurs s’entretiennent avec la reine ou le duc d’Orléans, il n’écoute point. Mais quand ils s’adressent à lui, il est très attentif et se fait ensuite répéter leurs discours. Il promet de devenir un grand roi. »
Mazarin ajoute :
— L’ambassadeur précise, « s’il vit et qu’on l’éduque bien ».
Louis se détourne. Il sera majeur dans quelques mois. On ne lui fera plus la leçon.
Il sort de ses appartements, croise Gaston d’Orléans qui revient sans doute de l’une de ses visites à la reine, pour lui répéter qu’il faut libérer Condé, Conti et Longueville, et renvoyer le cardinal italien.
Louis le
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