Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
Saint-Jean-de-Luz. Mais avant il faut, dans l’île des Faisans, rencontrer Philippe IV, découvrir ces nobles espagnols, maigres et austères dans leurs pourpoints noirs. Et l’on célèbre d’abord, le 3 juin, un mariage par procuration à Fontarabie.
Louis, comme tous les jeunes gens de la Cour, est habillé de soie vive, de brocart, de rubans, de chapeaux à plumes.
Il est fier d’être ce roi qui chevauche à la tête d’une troupe rutilante. Les uniformes des chevau-légers et des mousquetaires, bleus ou rouges, tranchent sur le noir espagnol.
Il a hâte de découvrir cette Marie-Thérèse dont il n’a vu que des portraits imprécis.
Il la découvre enfin, petite et grasse, aux yeux bleus, aux lèvres un peu grosses mais vermeilles, à la peau laiteuse. Elle a les cheveux d’un blond cendré. Elle paraît douce et son regard est inexpressif. Elle sourit et il voit ses dents noires qui semblent complètement gâtées.
Elle est émue de quitter son père Philippe IV. Elle s’agenouille trois fois devant lui. Louis ne peut la quitter des yeux. Ce sera donc cela son épouse. Le souvenir de Marie Mancini, la brune, la piquante, lui revient. Il s’efforce de le chasser, de paraître satisfait quand sa mère l’interroge sur l’impression que lui a faite Marie-Thérèse, dont elle est la tante.
Ne rien montrer de ses sentiments.
Entrer le mercredi 9 juin dans l’église de Saint-Jean-de-Luz.
Il est le roi le plus puissant d’Europe.
Il marche vers l’autel, le corps serré dans son habit noir, couvert de pierres précieuses et de dentelles, près de lui avance Marie-Thérèse, portant une robe bleue sur laquelle sont brodés des lys d’or.
On s’agenouille devant l’autel.
Il essaie, plus tard, de parler avec Marie-Thérèse. Mais elle ignore le français, et lui ne peut prononcer que quelques mots d’espagnol.
Il entre dans la chambre, et c’est Anne d’Autriche elle-même qui écarte, avant de se retirer, les rideaux du lit.
Louis s’approche de Marie-Thérèse. Il est celui qui sait. Il fera son devoir d’homme et de roi.
Le lendemain déjà, il dîne seul.
Et quelques jours plus tard, alors que le cortège royal remonte vers Paris, il le quitte, se dirige vers La Rochelle, puis de là, abandonnant les quelques proches qui l’ont accompagné, il galope dans la lande vers le château de Brouage, isolé, perdu, où réside Marie Mancini.
Il veut la voir, comme un dernier accès de fièvre, l’ultime saignée avant la guérison définitive.
Il ne peut retenir ses larmes dans la chambre où il reste seul avec elle toute la nuit.
Lorsqu’il s’éloigne à l’aube, il sait qu’il n’aura plus pour elle que le regard de l’indifférence.
21.
Il ne peut, il ne veut distinguer aucun visage.
Il ne voit que la foule de ses sujets rassemblés tout au long des rues de Paris par dizaines de milliers, ce 26 août 1660.
Il entre avec la reine dans sa capitale.
Il s’est paré pour ce grand ballet qu’il va offrir au peuple. Il porte l’épée, son habit est de soie et d’argent, couvert de pierreries et d’or. Des diamants retiennent les plumes de son chapeau. Et la reine est elle aussi couverte de rubans, de dentelles, d’or, d’argent et de diamants.
Il s’assied sur le trône doré, situé sur une estrade au centre d’une place hors les murs. La reine est assise près de lui ainsi que le chancelier Séguier. Et avancent, montant lentement les marches de l’estrade, tous ceux qui, par leurs fonctions, leurs titres, forment le corps de son royaume. Ils s’inclinent. Ils font allégeance. Ils prêtent serment d’obéissance. Prêtres, parlementaires, marchands, docteurs en théologie, en droit, en médecine, professeurs et prévôts, commissaires et juges. Ils parlent à genoux. Ils offrent les clés de la ville. Et les sceaux de l’État.
Enfin on peut quitter cette place du trône et s’engager dans le faubourg Saint-Antoine, pour gagner le Louvre.
Louis cavalcade sur un cheval bai brun couvert d’argent et de pierreries. Il sait que derrière lui chevauchent les princes du sang, et parmi eux Condé, le repenti, le pardonné.
La reine est installée dans un char découvert que tirent six chevaux. Elle est comme enveloppée d’or et de diamants, de soie et de brocart.
On passe sous les arcs de triomphe de toile et de bois, les façades sont décorées de tapisseries. À chaque fenêtre s’agglutinent les spectateurs. Les troupes
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