Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
Philippe.
— Vous épouserez la princesse d’Angleterre, lui dit-il, parce que personne n’en veut.
Philippe se tait. Philippe est maté.
Et tous les rebelles doivent craindre la punition royale.
Louis apprend qu’à Marseille, on a malmené l’envoyé du roi.
Il donne l’ordre aux troupes d’occuper la ville.
Qu’on abatte une partie de ses murailles ! Il entrera dans la cité, à la tête de ses mousquetaires, en franchissant cette brèche ouverte, pour bien marquer que Marseille est traitée comme une ville ennemie et conquise. Dont on se méfie. Que deux forts royaux, ceux de Saint-Nicolas et de Saint-Jean, construits à cet effet, surveilleront.
Il est devenu le roi qui sait châtier.
Et il sent que le regard que l’on porte sur lui change.
Il est aussi le plus grand roi du monde, celui qui épousera dans quelques semaines l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse, l’héritière du roi Philippe IV. Et si la monarchie espagnole ne peut honorer le contrat de mariage, verser les cinq cent mille écus d’or promis, « moyennant » lesquels Marie-Thérèse renoncera à la succession, alors le royaume de France aura des droits sur celui d’Espagne.
Et il est le roi de France.
Il aime chevaucher à la tête de la compagnie de ses trois cents mousquetaires à cheval. Il éperonne les flancs de sa monture, grisé par l’air vif, par le grondement du galop des chevaux. Il fait cabrer son cheval. Il lance des ordres. Il ordonne qu’on forme les escadrons. Il commande les exercices.
Puis il rentre, en sueur mais le corps dispos.
Ses valets de chambre s’affairent autour de lui. On l’apprête.
Il va retrouver Olympe, comtesse de Soissons, l’une des nièces de Mazarin. Il va souper, danser, jouer aux cartes avec elle.
On ne parle pas de Marie Mancini. C’est affaire close.
Il a brûlé les lettres qu’elle lui avait écrites. Et il a demandé à Marie de faire de même avec celles qu’il lui avait adressées.
Il veut oublier, comme s’il s’était agi d’une maladie qui l’a un temps terrassé. Il veut que cette passion qui l’a enfiévré disparaisse.
Et Olympe est une jeune femme joyeuse et complaisante. Il n’a plus besoin, il ne veut plus de précieuse comme l’était Marie Mancini, et il rit quand il assiste à la représentation de la troupe de Molière. Est-ce de Marie Mancini qu’on se moque ? Était-elle une précieuse ridicule ? Il a un mouvement d’humeur, comme une braise qui rougeoie, quand il apprend que Marie serait éprise du duc de Lorraine, qu’elle souhaiterait l’épouser vite.
Est-il possible qu’on l’oublie ainsi ? Lui ?
Mais il ne veut dévoiler à personne ses sentiments. Il ne l’a que trop fait quand la passion pour Marie le tourmentait et l’emportait. On l’a vu pleurer, lui, le roi de France !
Il a observé Son Éminence, écouté les leçons de cet habile. Il faut garder le secret, être capable d’une dissimulation absolue de ses pensées et de ses intentions. Il ne faut pas se plaindre. Il le sait.
Il regarde Mazarin.
L’homme est amaigri, il marche avec difficulté. Il se poudre, il se grime pour cacher les ravages de ces maladies qui dévorent ses poumons, ses reins. Il veut donner le change, agir jusqu’au bout de ses forces, organiser sa succession, jouir de ce triomphe que sont pour lui le traité des Pyrénées et le mariage espagnol. Mais la mort est en lui.
Louis dissimule le dégoût qu’il ressent en s’approchant de Son Éminence tant l’haleine de Mazarin est pestilentielle. Le cardinal suce continuellement des pastilles. Il en offre une à Louis, murmure :
— Voilà ce que c’est l’homme, Sire, j’ai de belles dents et je mange peu, mais mon ventricule est gangrené et voilà la cause de ma mort prochaine.
Louis ressent une forte émotion. Il tressaille. Lorsque Son Éminence disparaîtra, il sera, enfin, le seul maître du royaume. Il faut y songer, mais affecter l’indifférence, dissimuler comme tente de le faire, mais chaque jour plus difficilement, Son Éminence.
Mazarin veut donner l’illusion qu’il va vivre longtemps, tenant les rênes du royaume. Il veut assister au mariage de Marie-Thérèse et de Louis, en ces premiers jours de juin 1660, puis à l’entrée des souverains dans Paris, à la fin du mois d’août.
Louis voudrait que ces semaines soient déjà passées. Il galope le long de la Bidassoa. Les cérémonies du mariage doivent se dérouler à
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