Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
poursuivre, à la frontière entre les deux royaumes, dans l’île des Faisans, au milieu de la Bidassoa. Il doit y rencontrer le Premier ministre espagnol, Luis de Haro, pour y conclure et signer ce traité qui terminera la guerre commencée, Louis le sait-il, en 1635. Et Monsieur le Prince, Condé, devra reconnaître ses fautes et supplier le roi de les oublier.
Ainsi seront éteints les derniers brandons de la Fronde, et le roi de France reconnu comme Louis le Grand.
La Cour, ajoute Mazarin, devra quitter Paris pour rejoindre Bordeaux, Toulouse, et la frontière espagnole, au mois d’août. Le roi visitera ainsi les provinces du Sud, en compagnie de la reine, et il pourra signer le traité et…
Silence de Mazarin, puis à mi-voix :
— … le contrat de mariage.
Louis ne veut pas se soumettre. Il continue de voir Marie Mancini. Elle est sa liberté. Il lui semble impossible de vivre loin d’elle, et cependant il apprend que Mazarin décide d’éloigner ses nièces de la Cour. Marie s’en va en compagnie de ses sœurs Hortense et Marianne. Elles partent pour Fontainebleau, puis La Rochelle, dont Mazarin est le gouverneur.
Que faire ?
Louis entre chez sa mère, qui l’entraîne à l’écart.
Il entend à nouveau le rappel de ses devoirs de roi. Il la supplie de comprendre. Mais le désespoir le gagne. Il craint de ne pouvoir lui résister.
Il veut voir Marie avant son départ. Il pleure. Il a l’impression qu’il est à nouveau frôlé par la mort, comme durant sa maladie. Et qu’il n’a pas assez de force pour imposer sa volonté. Mais il veut aussi être un grand roi, celui qui apporte territoires et paix à son royaume.
Il prend les mains de Marie Mancini, les serre.
Elle ne pleure pas, mais elle mord ses lèvres. Elle murmure :
— Vous pleurez et vous êtes le maître. Vous êtes roi et je pars !
Il se débat encore. Il écrit lettre sur lettre à Marie qui lui répond par de longues missives. Il ne veut pas renoncer.
Mais Mazarin est déjà dans l’île de la Bidassoa. Et lui aussi écrit.
« Je vous conjure de bien vous appliquer pour vous rendre maître de toutes vos passions, répète Mazarin. Dieu a établi les rois pour veiller au bien, à la sûreté et au repos de leurs sujets et non pas pour sacrifier ce bien à leurs passions particulières. »
Et s’ils le font, la Providence divine les abandonne et les punit.
« Les histoires sont pleines de révolutions et des accablements que ces rois oublieux de leurs devoirs et de leurs serments ont attirés sur leurs personnes et sur leurs États. »
Il cède, pas à pas. Il continue d’écrire à Marie, et on lui transmet les lettres qu’elle lui adresse. Mais il faut quitter Paris avec la reine mère, à la fin août. Il ne veut pas admettre qu’il est déjà vaincu, qu’il a renoncé. Il exige qu’on lui laisse rencontrer Marie.
Anne d’Autriche cède enfin et il se précipite vers le lieu de rencontre, à Saint-Jean-d’Angély.
Lorsque les carrosses des sœurs Mancini apparaissent, il s’avance, entraîne Marie à l’écart, lui serre les mains. Il a le sentiment étrange qu’il échappe à la tristesse et qu’il s’y enfonce, car il sait qu’il continuera vers Bordeaux, Toulouse, la Bidassoa, qu’il signera ce traité, ce contrat de mariage, et il lui semble que Marie le sait aussi, qu’elle n’a plus aucune illusion, qu’elle aussi s’est soumise à la volonté de son oncle.
Elle parle peu. Ils marchent côte à côte en frôlant leurs mains et leurs épaules. La gouvernante de Marie Mancini, Mme de Venelle, qui espionne pour le compte du cardinal, ne les quitte pas des yeux. Et Olympe, l’une des nièces de Son Éminence, qui est devenue comtesse de Soissons et s’est offerte au roi, est là, aussi, comme pour annoncer qu’elle est prête, sans ambition matrimoniale, à se donner de nouveau à Louis lorsque, enfin, il aura renoncé à Marie.
C’est fait.
Il lui faut lire les admonestations de Mazarin.
« Vous avez recommencé à lui écrire et tous les jours, non pas des lettres mais des volumes entiers, lui donnant part des moindres choses qui se passent, morigène Mazarin. Vous pratiquez tous les expédients imaginables pour échauffer votre passion, alors que vous êtes à la veille de vous marier…»
Et il faut lire aussi cette lettre, dont Louis a l’impression qu’elle le salit. Mazarin accable sa nièce.
« Elle a une ambition démesurée, un esprit de travers et
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