Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
qu’il a convoqué la Cour, afin qu’entre deux visites dans les tranchées, après avoir respiré l’odeur de la poudre, il puisse retrouver le parfum des femmes et leur beauté.
Il veut cette femme-là, Athénaïs, qui après l’avoir défié se dérobe. Et cependant, par mille regards, il lui a fait comprendre ses intentions, mesurer son désir.
Elle sait sûrement ce qu’il attend d’elle. Elle ne peut qu’avoir deviné qu’il l’a choisie.
Il a fait de Mlle de La Vallière une duchesse en lui achetant la terre et le château de Vaujours. Puis il a légitimé sa fille, Marie-Anne, devenue Mlle de Blois, et puisque Louise de La Vallière est de nouveau enceinte, si l’enfant à naître survit et si c’est un garçon, il le reconnaîtra aussi, et le fera comte de Vermandois.
Les enfants du roi cessent d’être des bâtards dès lors que le souverain les reconnaît de son sang.
— Il est juste d’assurer à ces enfants l’honneur de leur naissance, dit-il.
Mais il montre ainsi que Louise de La Vallière a cessé d’être la favorite, la maîtresse en titre, et la distinction qu’il lui accorde proclame aux yeux de toute la Cour qu’elle n’est déjà plus qu’un souvenir, une relation qu’on tranche en la cautérisant par un titre de duchesse, et la légitimation des enfants. Il faut qu’elle le comprenne au lieu de tenter de renouer, de séduire, de solliciter un geste d’attention, sinon d’amour.
Et Louis ne le veut pas.
Qu’elle quitte la Cour, qu’elle se marie ou qu’elle se retire dans un couvent, mais qu’il ne la voie plus.
L’égoïsme d’un roi est une nécessité.
Il lui faut être libre pour faire d’Athénaïs de Montespan sa maîtresse en titre.
Il n’invitera donc pas Louise de La Vallière à se joindre à la Cour. Et cependant elle est là, morose, parmi ces femmes qui se tiennent loin d’elle.
Elle n’a pas accepté d’être écartée. Elle a fait atteler son carrosse et a suivi ceux des courtisans, puis, apercevant la tente du roi, elle a quitté le long cortège des voitures, et coupé à travers les champs de blé, ordonnant au cocher de fouetter les chevaux, de galoper, pour arriver la première près de lui, et qui aurait pu s’interposer ?
Elle a fait arrêter son carrosse à quelques pas du roi.
Il ne veut pas montrer sa surprise et son ennui. Et la colère qui monte. On lui désobéit. On tente de lui imposer la poursuite d’une relation qui, pour lui, est rompue.
Il se contente de dire, glacial :
— Quoi, Madame, avant la reine ?
Puis il se détourne et s’éloigne à pas lents.
Il passe au milieu des femmes, frôlant le bras d’Athénaïs de Montespan.
Il reconnaît Françoise d’Aubigné, la veuve de l’écrivain Scarron, à laquelle il a finalement accordé une pension, puisqu’elle est une amie d’Athénaïs de Montespan et que celle-ci a plaidé à plusieurs reprises pour celle qu’elle appelle son « amie ».
Il a cédé pour plaire à Athénaïs.
Il revient sur ses pas, s’approche de Louise de La Vallière. Elle est duchesse, elle peut s’asseoir à la table royale, monter dans le carrosse de la reine.
Il faut respecter les usages. Et tout en s’irritant de cette situation, il en jouit. Dans la même voiture, il voit son épouse, Marie-Thérèse, sa maîtresse, Louise de La Vallière, et cette Athénaïs de Montespan qu’il va conquérir ce soir, il le veut, quand la Cour aura atteint Avesnes. Athénaïs, comme le roi, doit loger dans la demeure de l’une de ses amies, Julie de Montausier.
Devant chaque chambre, une sentinelle monte la garde.
Il ne veut pas de soldat devant celle d’Athénaïs.
Cette nuit sera celle de sa victoire.
Il revêt la livrée d’un domestique de Mme de Montausier. Il se glisse dans la chambre d’Athénaïs. Elle prend son bain, et il est saisi par la beauté de cette jeune femme enveloppée dans une large serviette.
Il la fixe. Il n’a pas l’attitude d’un domestique mais celle d’un roi.
Elle rit tout à coup, et cette gaieté ironique le ravit.
Il s’avance, elle laisse tomber sa serviette.
Cette nuit-là, il découvre ce qu’est la liberté d’une femme que n’emprisonnent ni les préjugés ni la timidité.
Athénaïs de Montespan aime le plaisir et sait le donner.
36.
Louis regarde Athénaïs de Montespan.
Elle s’avance avec la majestueuse beauté d’une jeune femme de vingt-six ans. Il aime chacun de ses gestes, ses cheveux blonds, son port
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