Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
sur une aversion qu’elles auraient pour quelqu’un, sur le dessein d’en devancer un autre ou sur une promesse qu’elles auraient faite légèrement. Le secret ne peut être chez elle aucune sûreté ; car si elles manquent de lumières, elles peuvent par simplicité découvrir ce qu’il fallait le plus cacher ; et si elles ont de l’esprit elles ne manquent jamais d’intrigues et de liaisons secrètes.
Des espions au service de Louvois ne rapportent-ils pas que des dames de la Cour, peut-être Athénaïs de Montespan elle-même, ou l’une de ses suivantes, Mlle des Œillets, sont en relation avec des devineresses, des jeteuses de sort, des astrologues, des magiciennes qui préparent des philtres d’amour, des poisons. Et elles se rendraient chez la Voisin, la plus connue de ces sorcières, afin de se procurer ces drogues.
Louis écoute Louvois, sans paraître l’entendre. Il se sent sûr de lui, de l’amour qu’il inspire à Athénaïs de Montespan, à Louise de La Vallière et à tant d’autres femmes.
Et le temps d’ailleurs n’est pas aux intrigues et aux plaisirs d’alcôve.
Il veut conquérir la Franche-Comté, afin de s’assurer d’un gage territorial et de contraindre l’Espagne à lui abandonner les places fortes des Flandres.
Le 2 février 1668 au matin, après la messe, il quitte le château de Saint-Germain pour rejoindre l’armée qui s’est rassemblée, sous les ordres du prince de Condé, en Bourgogne.
Il fait un temps épouvantable, froid, pluie, grêle, neige. Mais autour de son carrosse, il voit les mousquetaires et, au-delà, ces nobles qui ont quitté la Cour pour le suivre.
Comment les Francs-Comtois pourraient-ils résister à cette armée de près de vingt mille hommes ?
Besançon et Salins tombent sans combat. Louis dirige le siège de Dole, une place fortifiée, garnie de sept grands bastions. Il veut voir par lui-même ces défenses et, durant un jour et demi, il chevauche le long des murailles de la ville, au pied de ces rocs sur lesquels elles sont bâties.
Il lance les premières attaques, et la ville aussitôt capitule. Les portes s’ouvrent le 14 février 1668. Il pénètre dans Dole, se rend directement à la cathédrale, où l’évêque va célébrer en son honneur un Te Deum.
Gray remet ses clés à son tour. Qui peut résister à Louis le Grand ?
Il écoute les compliments des Francs-Comtois, qui s’inclinent devant lui :
Dole n’a souffert qu’une attaque
Gray s’est rendu sans qu’on l’attaque
Joux et Saint-Agnès sans canon
Ont cédé : direz-vous que non ?
Les Français nous ont pris sans guerre.
Il suffit de montrer et de brandir le glaive pour faire plier les nations devant le roi de France.
Louis s’attarde à peine quelques jours sur ces territoires conquis.
Pour les gens de qualité qui l’ont suivi, et afin de tâcher d’adoucir pour eux la rigueur d’une saison fâcheuse, il organise des banquets somptueux, recevant ses officiers et ses courtisans.
Il écoute, sensible à la gratitude de ces hommes qui peuvent, plus facilement que lors des réceptions dans les salons du Louvre ou de Saint-Germain, s’approcher de lui, lui faire leurs compliments et présenter leurs requêtes.
Il est attentif, mais demeure sur ses gardes, veillant à ne rien montrer de ses sentiments. Il est accoutume déjà à ce qu’il appelle « les malicieux artifices des hommes ».
Avec les courtisans – comme avec les nations –, un roi doit être capable, « pour être habile et bien servi », de se montrer généreux, courtois et capable de négocier, mais sans jamais renoncer à l’usage de l’autorité et de la force.
Louis a voulu qu’on grave sur l’affût des canons la devise Ultima ratio regium, « l’ultime argument des rois ».
Mais il ne faut l’employer qu’à bon escient, lorsque du feu de l’artillerie dépendent la conquête et la gloire.
La Franche-Comté est tout entière tombée, sans grandes batailles. Et la gloire du roi s’en est pourtant trouvée accrue.
Le temps est donc venu de la négociation.
Il donne des ordres à Hugues de Lionne, à Le Tellier, à Louvois pour que l’on recherche une paix, provisoire, avec l’Espagne. On lui restituera le gage comtois, contre l’abandon des places fortes de Flandre : Lille, Armentières, Courtrai, Tournai, Douai, Audenarde.
Depuis son départ de Saint-Germain, seulement une vingtaine de jours se sont écoulés, mais il est impatient
Weitere Kostenlose Bücher