Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
sur un cheval blanc.
Il se sent porté par l’admiration de ces jeunes femmes qui, bottées, chevauchent à ses côtés.
Que la guerre vienne enfin pour qu’il puisse montrer à tous ses sujets, à tous les souverains, à toutes les femmes, le courage et les vertus guerrières du Roi-Soleil.
Il sera Apollon et Mars.
Il est impatient d’agir, mais il veut préparer cette guerre à laquelle il est déjà résolu, avec méthode. Et il lui semble qu’autour de lui et dans le royaume, les querelles, les esprits rebelles, les rivalités sont des obstacles à la mise en œuvre de sa politique.
Là, ce sont des jansénistes qui se sont réjouis de la mort d’Anne d’Autriche, y voyant un châtiment du ciel. Il faut les embastiller !
Ici, ce sont Colbert et Louvois qui entrent en conflit, jaloux l’un de l’autre.
Et Louis est surpris par la violence des propos de Colbert, qui déclare :
— Sire, à l’égard de l’assemblée des troupes et de leurs marches, je n’ai pas cru qu’une affaire si importante serait confiée à un jeune homme de vingt-quatre ans, sans expérience sur cette matière, fort emporté, et qui croit qu’il est de l’autorité de sa charge de ruiner le royaume, et qui veut le ruiner parce que je veux le sauver.
Louis est irrité de ces conflits qui ne cessent de naître entre ses proches et, en même temps, il veut utiliser cette division, jouer les hommes les uns contre les autres, parce que c’est ainsi qu’on règne.
Lorsque, le 4 juin de cette année 1666, il assiste à la première représentation du Misanthrope , il applaudit Molière d’avoir su brosser un tableau précis des relations entre les hommes.
Et alors qu’il a pensé qu’un roi ne pouvait être ni Tartuffe ni dom Juan, il lui paraît qu’il peut devenir, voyant les hommes du haut de sa condition, les observant, serviles et lâches, misanthrope.
Et il y a ces femmes qui cherchent à le séduire, et sont prêtes à tout pour y parvenir, pour se débarrasser de leurs rivales.
On dit qu’elles se rendent chez une empoisonneuse, devineresse et astrologue, nommée Catherine Monvoisin, et qu’on appelle la Voisin. Cette femme, entourée d'un prêtre, de quelques brigands, voleurs et alchimistes, élabore des drogues qui devraient déclencher l’amour, et des poisons pour en finir avec les maris, les gêneurs, les maîtresses.
La Voisin célébrerait des messes sataniques, où l’on sacrifierait des nouveau-nés.
Des espions rapportent ces faits à Louis.
Comment ne pas devenir misanthrope ? Ne pas se méfier de tous ?
Et ne jamais livrer ses sentiments.
Et pourtant il ne peut dissimuler qu’il se sent de moins en moins attiré par Louise de La Vallière, enceinte une nouvelle fois, et dont l’accouchement, le 2 octobre, au château de Vincennes où se trouve la Cour, doit être comme les précédents caché.
Puis, avec toujours le même courage, le même souci de sauver les apparences, Louise de La Vallière, chancelante, quitte sa chambre, rejoint, parée et poudrée, les courtisans et s’efforce de sourire.
Louis n’a pas voulu assister à cette scène qu’il a vu jouer à chaque naissance !
Louise a accouché trois fois : deux enfants sont morts ! La dernière-née, qu’on a prénommée Marie-Anne, paraît se mieux porter.
Cependant tout cela semble à Louis la répétition de ce passé, dont il veut se dégager.
Il pense à Athénaïs de Montespan, mais maintenant qu’il manifeste son intérêt pour elle elle se dérobe, comme si elle craignait tout à coup l’amour du roi.
On rapporte à Louis les rumeurs qui commencent à naître parmi les courtisans. On murmure qu’il ne se rend plus auprès de Louise de La Vallière que pour y rencontrer Athénaïs de Montespan dont elle est l’amie et qui se trouve toujours auprès d’elle, chaque fois que Louis y paraît.
« Le roi songe un peu à Mme de Montespan, confie le duc d’Enghien, et, pour dire la vérité, elle le mériterait bien car on ne peut avoir plus d’esprit ni plus de beauté qu’elle en a, mais je n’ai pourtant rien remarqué là-dessus. »
Et Athénaïs aurait dit :
— Dieu me garde d’être la maîtresse du roi. Mais si je l’étais, je serais bien honteuse devant la reine !
Louis hésite à croire à la sincérité de ce propos. Mais cette dérobade inattendue, et cette duplicité sans doute, l’attirent.
Il décide de donner au château de Saint-Germain-en-Laye, en ce mois de
Weitere Kostenlose Bücher