Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
déjà de retrouver Athénaïs de Montespan.
Il devine cependant que les officiers qui viennent de faire campagne sont déçus de cette paix – signée à Aix-la-Chapelle –, qui les dépossède de Besançon ou de Dole, de ces villes qu’ils ont conquises.
Il faut qu’aux plus importants d’entre eux, aux princes et aux ministres, à Condé, à Louvois, à Colbert, il laisse deviner ses desseins afin que ces hommes n’imaginent pas qu’il ne recherche la paix que pour retrouver plus vite les femmes et les ballets de la Cour.
— Je ne manquerai pas d’occasion de rompre quand je voudrai avec l’Espagne, dit-il. La Franche-Comté que je rends se peut réduire en tel état que j’en serai le maître à toute heure ; mes nouvelles conquêtes bien affermies m’ouvriront une entrée plus sûre dans le reste des Pays-Bas ; la paix me donnera le loisir de me fortifier chaque jour de finances, de vaisseaux, d’intelligences et de tout ce que peuvent ménager les soins d’un prince appliqué dans un État puissant et riche, et qu’enfin dans toute l’Europe je serai plus considéré et plus en pouvoir d’obtenir de chaque État particulier ce qui pourrait aller à mes fins, tant que l’on me verrait sans adversaire, que quand il y aurait un grand parti formé contre moi.
Maintenant, la paix expliquée et signée, il peut danser.
37.
Il veut unir dans un grand divertissement royal le plaisir de la guerre victorieuse et celui de l’amour triomphant.
Il veut à Versailles, où Le Nôtre a étendu l’espace ordonné de ses jardins et de ses labyrinthes, où l’on a élevé des fontaines et créé des plans d’eau, où le relais de chasse du père s’est enfin agrandi pour devenir château, et où les grandes allées permettent des cavalcades et des promenades majestueuses, célébrer la conquête des villes, des places fortes des Flandres, et celle, il y a déjà plus d’un an, d’Athénaïs de Montespan.
Il a voulu que les trois mille invités, toute la Cour, soient en cette journée du 18 juillet 1668 éblouis. Il veut, puisqu’ils ont été privés du carnaval de février à cause de la conquête de la Franche-Comté, les combler.
Il faut que chaque invité, qu’il soit prince ou marquis, soit à ce point séduit que le seul rêve qui l’habite soit d’être à nouveau convié à côtoyer le roi, à participer à l’une de ces fêtes, et que le plus grand malheur qui puisse advenir à un homme de qualité soit d’être rejeté de la Cour, ignoré du roi.
Et Louis veut que les ambassadeurs des autres puissances puissent mesurer à la munificence du divertissement la grandeur unique du Roi-Soleil.
Il faut que chacun d’eux écrive à son souverain :
« Il y a du héros dans toutes les choses que fait Louis le Grand. Et jusqu’aux affaires de plaisir il y fait éclater une grandeur qui passe tout ce qui a été vu jusqu’ici. »
Il fait ouvrir les portes du château, afin que les dames puissent s’y reposer, et chaque invité s’y rafraîchir. Puis quand, vers six heures du soir, le soleil s’étant effacé, la chaleur faiblit, il conduit la promenade, dans les jardins.
Dans l’un des bosquets une collation est servie, somptueuse. Dans trente-six corbeilles se dressent des pyramides d’oranges du Portugal et de toutes sortes de fruits.
Un théâtre aux murs de feuillage, couverts de tapisseries, a été construit pour mille cinq cents spectateurs.
Louis s’assied au premier rang, entre la reine et Louise de La Vallière. Il ne se retourne pas mais il sent qu’Athénaïs de Montespan est placée derrière lui.
Il va bientôt danser avec elle et la retrouver cette nuit. Il reconnaît son rire quand commence la représentation de la comédie de Molière George Dandin ou le Mari confondu.
« Ah ! qu’une femme demoiselle est une étrange affaire et que le mariage est une leçon bien parlante…» lance George Dandin au milieu des rires.
Puis la pièce s’interrompt, laissant place aux intermèdes et aux ballets des Fêtes de l’amour et de Bacchus , dont la musique est de Lully.
Louis se lève, se dirige vers une grande salle octogonale où le souper est servi à quarante-huit femmes de haut rang, qui ont le privilège de dîner avec le roi.
La reine préside un autre souper, entourée des ambassadeurs.
Et la foule des invités se répand dans les jardins, où les buffets couverts de viandes froides, de fruits confits, ont été dressés. Puis c’est
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