Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
être reconnu gentilhomme. Il faudra que tous ceux qui prétendent à la noblesse puissent montrer par des actes juridiques, actes de mariage, de propriété de terre, qu’ils possèdent une noblesse d’au moins quatre degrés. Et les autres seront rejetés dans la roture et seront soumis à l’impôt. Et l’État a besoin de cette extension de la taille pour remplir ses caisses.
Car les dépenses sont énormes.
Louis veut que les travaux entrepris à Versailles soient accélérés, que les plans de l’architecte Le Vau visant à envelopper le pavillon de chasse de Louis XIII par de vastes bâtiments, un château neuf, soient réalisés au plus vite.
Partout du marbre, des colonnes, des sculptures, des fontaines, que l’on dise en voyant ce château : c’est celui du Roi-Soleil à nul autre pareil. Nec pluribus impar.
Et pour cela il faut rassembler plus de trente mille ouvriers et, pour cette année 1669, six cent soixante-seize mille livres, soit deux fois plus que l’année précédente. Colbert, quand on commence à creuser le Grand Canal, annonce que dans les années suivantes il faudra tripler ou quadrupler les dépense.
Mais la gloire n’admet pas de comptes d’usurier.
Le roi ne peut être un Harpagon, cet avare dont Molière a fait le sujet de sa dernière pièce.
Et Louis n’a pu rester impassible, donnant le signal des rires, devant l’affolement de ce pauvre homme cherchant sa « cassette ».
Louis apprécie ce comédien et sa troupe. Il aime le regard implacable de Molière, qui arrache les masques des hypocrites, fustige le ridicule des médecins, la prétention des précieuses, et l’austère orgueil du misanthrope.
Et Louis est satisfait du respect, de l’humilité, que Molière manifeste à son égard.
Comme Colbert, Molière baisse les yeux devant le roi, et Louis a assisté plusieurs fois à la représentation d’ Amphitryon, où Molière console un mari trompé par son roi :
Un partage avec Jupiter
N’a rien du tout qui déshonore ;
Et sans doute il ne peut être que glorieux
De se voir le rival du souverain des dieux.
Que le marquis de Montespan médite en exil ces quelques vers, et s’assagisse.
Et cependant Louis est préoccupé.
Athénaïs de Montespan est moins gaie, son teint se ternit. Elle est essoufflée. Elle a même maigri, comme si, maintenant que chacun devine, sait, qu’elle est la maîtresse du roi, au lieu d’en tirer gloire, elle en était honteuse.
Louis l’interroge, et tout à coup Athénaïs sanglote. C’est la première fois qu'elle pleure devant lui, elle croise les mains sur son ventre. Elle est grosse d’un enfant du roi.
Louis reste un instant figé. Athénaïs est mariée. Le marquis de Montespan peut en revendiquer la paternité. Et l’Église ne pourra que condamner le double adultère qui à ses yeux est un sacrilège.
Louis tente de se rassurer.
L’Église n’a qu’à se louer de lui.
Il a, dans une déclaration royale en trente-neuf articles, restreint les libertés des huguenots, ces « religionnaires ». Il a, suivant les conseils de l’Église, accepté de libérer de la Bastille des jansénistes et accepté la paix que l’Église voulait conclure avec eux.
Il a envoyé quatre mille hommes et plus de dix vaisseaux, pour essayer de repousser les Turcs qui depuis vingt-trois ans assiègent en Crète la ville de Candie ! Et pour plaire aux dévots, il a accepté d’interdire les représentations du Tartuffe.
Cela sera-t-il suffisant pour obtenir l’indulgence de l’Église ?
Louis serre les mains d’Athénaïs de Montespan. Il la rassure.
Aux yeux de la Cour, Louise de La Vallière est toujours la maîtresse en titre. Il suffira de dissimuler la grossesse et la naissance. L’enfant à peine né sera emporté, caché. Athénaïs se calme. Son visage a même repris des couleurs. Elle dit qu’elle confiera l’enfant à son amie Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, une femme pieuse, dévouée et discrète, qui sera la gouvernante parfaite des enfants du roi.
Athénaïs ferme les yeux.
— Si d’autres viennent encore, murmure-t-elle.
Elle demande à ce que l’on introduise Françoise Scarron. La jeune veuve salue avec grâce, joint les mains quand Athénaïs lui indique qu’elle sera chargée de veiller sur les enfants du roi. Elle se confond en remerciements, en proclamations de dévouement.
Elle a une voix douce, pénétrante, une retenue, une beauté singulière qui lui vient de
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