Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
le bal éclairé par des centaines de bougies, avant que le château ne soit tout entier embrasé par un gigantesque feu d’artifice.
Louis se place devant un rocher d’où jaillissent des cascades, puis il se dirige dans une salle du château, où un autre bal est donné dans la lueur dorée tombant des lustres de cristal.
Il saisit enfin la main d’Athénaïs de Montespan, celle dont avec cette fête il célèbre la possession.
Lorsque, le lendemain, il parcourt en carrosse les allées du parc, il entend des cris aigus. Il se penche. Il voit une femme qui se précipite, s’accroche à la portière. Elle a les cheveux gris, le visage grimaçant. Elle gesticule cependant que les valets et les mousquetaires l’arrachent au carrosse. Elle montre un placet qu’elle veut remettre au roi. Puis, tout à coup, elle repousse ceux qui tentent de la retenir.
Le carrosse s’est arrêté.
Louis entend les mots hurlés par cette femme :
— Roi masochiste, tyran, roi putassier.
Est-il possible qu’on l’injurie ainsi, lui, Louis le Grand ?
— Oui, tyran, oui, roi putassier, hurle-t-elle.
On l’empêche enfin de crier.
Il veut savoir qui elle est.
Elle se débat à nouveau, dit que son fils est mort en travaillant aux machines de Versailles.
Cela n’excuse rien. On n’insulte pas son roi.
Qu’on la juge sur-le-champ et qu’elle subisse sa peine.
« Elle fut condamnée à avoir le fouet, dit un témoin, et menée aux Petites Maisons – un hôpital situé à Paris, à l’angle de la rue de la Chaise et de la rue de Sèvres et où sont enfermés les extravagants ». Le fouet lui fut donné par le bourreau de Saint-Germain avec une rigueur extrême, et cette femme ne dit jamais mot, souffrant ce mal comme un martyre et pour l’amour de Dieu. »
38.
Louis, debout face à l’autel, baisse la tête.
Le prêtre officie, élève l’hostie, invoque l’Esprit saint. Et la chapelle du Louvre est envahie par le murmure des prières.
Louis ne bouge pas. Ce n’est que devant Dieu qu'il s'incline ainsi.
Dieu est le souverain de Louis le Grand.
Et Louis l’accepte.
Chaque matin, et souvent une seconde fois dans la journée, il assiste à la messe.
En quittant la chapelle, il dit à Colbert, qui marche près de lui, un peu en retrait :
— Je ne suis que le lieutenant de Dieu. Et je manquerais non seulement de reconnaissance et de justice, mais de prudence et de bon sens si je manquais de vénération pour celui qui gouverne l’univers.
Il s’arrête, dévisage Colbert. Il vient de le nommer secrétaire d’État et des Commandements, des Finances et de la Marine. Il a fait ainsi de ce « Nord », de cette « couleuvre venimeuse » l’homme le plus puissant du Conseil. Et il a su que, dès le lendemain de sa nomination, tous les princes et les ducs, tous les courtisans, les quémandeurs, et les dames les plus titrées, l’ont entouré, félicité, flatté. Ils se sont tous rendus au collège de Clermont où le fils de Colbert était reçu docteur. Et le palais du Louvre a été pour quelques heures abandonné, comme si le secrétaire d’État avait été plus important que le roi.
Louis fixe Colbert, l’oblige à baisser les yeux. Il connaît les qualités de cet homme qui, désormais, dans ses nouvelles fonctions, devient l’organisateur de l’État. Il peut aussi bien créer des manufactures, prendre un édit portant sur la qualité des toiles et des draps, ou bien promulguer les grandes ordonnances sur la justice, celles veillant à préserver les massifs forestiers du royaume, ou l’édit décrétant que tout officier de marine est désormais nommé par le roi.
Il a accordé tous les pouvoirs à Colbert. Mais le secrétaire d’État ne doit jamais oublier qu’il n’est qu’un serviteur, qu’on peut mépriser, punir et renvoyer, s’il n’accomplit pas sa tâche.
La soumission du roi à Dieu, reprend Louis, est la règle et l’exemple de celle qui nous est due.
Louis s’éloigne mais, lorsqu’il atteint le bout du couloir, il se retourne et aperçoit Colbert toujours le dos courbé, attendant pour se redresser que Louis disparaisse.
C’est bien ainsi.
L’humilité et l’obéissance envers le roi ne sont que la reconnaissance de l’ordre voulu par Dieu, qui impose le respect des hiérarchies.
Louis ordonne ainsi que, dans toutes les provinces du royaume, soient vérifiés les titres de noblesse.
Il ne suffira plus de « vivre noblement » pour
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