Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
griseraient ?
Louis le dit à M. de Valence, que Philippe a chargé de présenter au roi la requête.
— Dites à mon frère que les princes du sang ne sont jamais bien en France qu’à la Cour, dit Louis, et qu’à l’égard du gouvernement du Languedoc, je le prie de se souvenir que nous sommes convenus, lui et moi, qu’il n’aurait jamais de gouvernement.
Louis ne veut prêter aucune attention aux bouderies et aux colères de son frère qui quitte la Cour, s’en va dans sa propriété de Villers-Cotterêts, ulcéré d’apprendre que Louis a chargé son épouse, Henriette, d’une mission auprès du roi d’Angleterre, Charles II, son frère, afin de le détacher des Hollandais et des Suédois. Mais il faut sévir quand avec son amant, le chevalier de Lorraine, Philippe commence à ruminer des vengeances, peut-être des complots.
Louis décide d’exiler le chevalier de Lorraine à l’autre extrémité du royaume, à Montpellier.
Il regarde avec mépris et compassion son frère venu en larmes solliciter la grâce du chevalier de Lorraine. Philippe s’agenouille et sanglote.
Louis se penche.
— Reprenez un peu votre sang-froid, mon frère, dit-il.
Un roi ne cède pas.
39.
Il rentre de la chasse.
Il est fourbu mais heureux.
Il aime ce moment quand, après plusieurs heures de chevauchée dans les forêts, de l’aube au soleil de midi, il pénètre dans la cour du château de Chambord où les veneurs, les rabatteurs, les valets, les équipages, les meutes de chiens sont déjà rassemblés.
Louis reste encore un instant en selle, contemplant les dépouilles de sangliers et de cerfs alignées devant l’entrée du château.
Il saute à terre, s’approche, marche lentement devant le gibier mort. Il éprouve un sentiment de plénitude.
Tout doit céder devant le roi Louis le Grand. Il impose sa volonté aux bêtes sauvages, aux souverains des autres nations, à ses sujets, aux princes du sang, à la nature elle-même, aux femmes.
D’un signe il écarte les valets. Il gagne ses appartements, puis, sans avoir retiré ses cuissardes maculées de boue, ses vêtements froissés, il passe dans les salons et la chambre de Louise de La Vallière.
Elle est là qui s’avance vers lui, soumise, implorant un regard, un mot.
Elle sait pourtant qu’elle n’est plus qu’un « paravent », un « prétexte » comme on dit à la Cour, où personne n’ignore qu’elle ne sert plus qu’à préserver les apparences, à dissimuler le double adultère, la liaison du roi avec Athénaïs de Montespan.
Louise soupire, pleure, mais se soumet. Elle est devenue une sorte de suivante d’Athénaïs, la coiffant, l’aidant à choisir ses robes, à s’habiller, semblant retirer un plaisir douloureux de ces épreuves qu’on lui inflige, cherchant peut-être à se punir.
Louis est assis. Il attend que son premier valet lui retire ses bottes. Il va changer de vêtements, se coiffer, se parfumer, puis se diriger vers les appartements d’Athénaïs, en abandonnant parfois à Louise de La Vallière son chien, un épagneul qu’elle doit garder, le temps des amours du roi.
Et parfois Louis se retourne, la regarde avec un mépris mêlé de commisération.
Il ne ressent aucun remords. Ne lui a-t-il pas accordé le titre de duchesse ? Ses enfants n’ont-ils pas été légitimés ? Sa fortune faite ? Et ne continue-t-elle pas de s’asseoir près de lui, lors des fêtes ?
Mais elle est le passé.
Il fait construire pour Athénaïs, à Versailles, un château, où elle disposera d’un appartement de vingt pièces, alors que la reine n’en possédera que onze !
À Clagny – non loin de Versailles –, il ordonne à Hardouin-Mansart d’élever un « hôtel de Vénus », un véritable palais.
Rien ne doit être trop grand, trop beau pour celle dont la vue seule le comble !
Qu’elle roule carrosse à six chevaux, qu’elle ait à son service une foule de domestiques, plus de vingt femmes de chambre, des suivantes. Et il ne veut pas lire les rapports des espions, qui prétendent qu’Athénaïs s’est rendue plusieurs fois chez cette femme (dont le nom revient), la Voisin, devineresse, chiromancienne, jeteuse de sorts. Ou bien même qu’elle s’est livrée à des incantations, à des pratiques sataniques, à des messes noires, se dénudant devant un prêtre impie qui célébrait une messe pour le diable, le corps d’Athénaïs tenant lieu d’autel.
Louis se souvient. L’accusation
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