Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
pelage roux, s’abat, meurt après quelques soubresauts !
Louis entend la voix frêle mais joyeuse du comte de Toulouse. Son fils lance :
— Quoi, un coup de canon, ce n’est que cela ?
Allons, ses fils sont de bonne trempe ! Dans leurs veines, c’est bien le sang de Louis le Grand qui coule.
Il écoute les courtisans qui l’encensent pour son courage de Roi Très-Chrétien.
— Le soleil a-t-il vu quelque chose de plus fier et de plus hardi que ce siège de Mons ? demande l’un.
Il partage ce sentiment. Il n’a jamais dirigé une armée aussi nombreuse qui combat non seulement pour la grandeur du royaume et de son roi, mais encore pour le triomphe de la vraie religion.
Il regrette de ne pas avoir, comme il l’a toujours fait dans le passé, convié les dames de la Cour à venir assister au siège.
Françoise de Maintenon lui manque. C’est dans les yeux des femmes qu’on lit le mieux sa gloire.
Il éprouve le besoin d’écrire à Françoise dont il sait qu’elle prie pour lui.
« Il est une vérité, lui confie-t-il, qui me plaît trop pour me lasser de vous la dire : c’est que je vous chéris toujours et que je vous considère à un point que je ne puis vous exprimer ; et qu’enfin, quelque amitié que vous ayez pour moi, j’en ai encore plus pour vous, étant de tout mon cœur tout à fait à vous. »
Il en veut à Louvois. C’est ce ministre orgueilleux qui lui a conseillé de ne pas inviter la Cour et les dames à rejoindre l’armée devant Mons.
Louvois l’irrite avec ses manières brusques, ses prétentions.
On l’encense plus qu’il ne faut. Un ministre doit rester un serviteur et ne point être trop ambitieux.
Or il a l’impression que Louvois dissimule sa volonté d’agir à sa guise, d’imposer au roi ses choix.
Il fait écrire ses louanges :
De ce ministre habile, infatigable et sage,
Que le plus grand des rois de sa main a formé
Que ni difficulté ni travail ne rebute
Et qui, soit qu’il conseille, ou soit qu’il exécute
De l’esprit de Louis est toujours animé.
Est-ce bien sûr ?
Louis se souvient que c’est Louvois qui a tenté, à plusieurs reprises, de lui forcer la main, d’aller plus loin que son roi.
Et l’esprit d’un roi ne se donne pas à un serviteur.
C’est Louvois qui a outrepassé les ordres dans le Palatinat, lui qui, méthodiquement, a organisé la destruction de plus de villes qu’il n’était nécessaire, faisant placer dans toutes les cités des centaines de mines afin de transformer le Palatinat en désert.
Louvois a eu l’audace de dire :
— J’ai bien senti, Sire, que le scrupule est la seule raison qui vous a retenu de consentir à une chose aussi nécessaire que brûler Trêves. J’ai cru vous rendre service en vous en délivrant et en m’en chargeant moi-même. Pour cela, sans avoir voulu vous en reparler, j’ai dépêché un courrier avec l’ordre de brûler Trêves dès son arrivée.
Au souvenir de ces propos, la colère emporte à nouveau Louis.
Il revit la scène.
Il s’était précipité sur Louvois, le menaçant avec les pincettes de la cheminée, et il avait crié :
— Louvois, dépêchez un courrier à cette heure avec un contrordre et qu’il arrive à temps, et sachez que votre tête en répond si on brûle une seule maison de Trêves.
Mme de Maintenon s’était interposée, avait retenu le bras du roi, au moment où il allait frapper Louvois.
— Ah ! Sire, qu’allez-vous faire ?
Comment pourrait-il pardonner à Louvois d’avoir voulu ainsi décider seul, et d’avoir suscité cette colère qui brisait l’impassibilité et la maîtrise de soi, les attributs nécessaires du roi ?
A-t-il oublié, Louvois, le sort de Nicolas Fouquet ? Un jour la gloire et le lendemain le cachot d’une forteresse.
Et comment, alors que les caisses du royaume sont vides, que la disette se répand, accepter que ce ministre ait accumulé une fortune de dix millions de livres, en bonnes et belles terres dans la baronnie de Meudon, les seigneuries en Champagne et le duché de Bourgogne ? Et il faut y ajouter les grandes sommes d’argent comptant mises en rentes sous des noms d’emprunt, et les bénéfices nés du maniement de l’argent requis pour le département de la Guerre, celui des Bâtiments et des Jardins.
Un roi doit savoir mettre les fers à un ministre. Et il a trop tardé avec Louvois qui n’aime pas Mme de Maintenon.
N’avait-il pas, à genoux et en larmes,
Weitere Kostenlose Bücher