Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
comme un enfant justement châtié !
Elle ne cesse de critiquer Mlle de Blois, d’insister sur sa laideur, son absence de sourcils, sa tête dodelinante comme celle d’un oiseau malade.
Elle va jusqu’à dire : « Si je pouvais donner mon sang pour empêcher ce mariage, je le ferais. »
Mais quand le roi veut, il faut courber l’échine.
Il l’accueille ainsi que Monsieur, les fiancés, les membres de la famille royale et les Grands de la Cour, dans le salon de ses appartements, où il s’habille en velours noir brodé avec des boutons de diamant. Il a veillé lui-même à ce que la robe de Mlle de Blois soit d’une richesse éblouissante.
Elle l’est, faite d’une étoffe d’or, garnie de diamants et de rubis, et il regarde sa fille et le duc de Chartres avec le sentiment du devoir accompli. Et cette conviction ne le quitte ni lors de la cérémonie de mariage le 18 février 1692, ni pendant le souper où cent cinquante plats suivis par des desserts sont servis, ni pour le grand bal qui se donne au Palais-Royal dont il a fait don à Monsieur et au duc de Chartres.
Il a ignoré la princesse Palatine.
Qu’elle pleure ou tempête, peu importe !
Et qu’Athénaïs de Montespan, la mère pourtant de Mlle de Blois, sanglote seule dans le couvent des filles de Saint-Joseph, n’ayant pas été invitée au mariage de sa fille, n’a pas plus d’importance.
L’intérêt du roi et du royaume, celui de la famille royale doivent seuls être pris en compte.
Et c’est le roi qui décide de ce qui doit être accompli.
Le mariage est conclu et Louis peut maintenant quitter Versailles pour se rendre au camp de Givry, passer en revue cent vingt mille hommes alignés sur quatre rangs et défilant une journée entière.
Il est sûr que c’est le plus grand spectacle qu’on ait vu depuis plusieurs siècles, et Racine, son historiographe, qui se tient près de lui, murmure que même les Romains n’ont pas organisé de telles parades.
Louis, malgré les douleurs qui, après plusieurs heures passées en selle, lui dévorent les jambes et le dos, a l’impression que cela faisait des années qu’il ne ressentait pas une telle énergie, comme si de voir briller les épées et les mousquets, d’entendre les tambours, les trompettes et les cymbales, lui donnait un regain de jeunesse.
Il prend la tête de cette armée, mais il veut que Mme de Maintenon, les dames de la Cour et la famille royale l’accompagnent jusqu’à cette forteresse de Namur, assiégée et dont la reddition doit, après la capitulation de Mons, établir la supériorité du royaume de France sur les puissances coalisées contre lui.
En arpentant les tranchées, en restant en première ligne, il sent bien que sa présence enthousiasme les troupes. Les compagnies de mousquetaires s’élancent à l’assaut de la forteresse, escaladent les rochers, conquièrent des bastions avancés.
Mais il sent aussi que sous cette pluie d’averse qui semble devenir chaque jour plus froide, plus rageuse, et noyer toute la région sous des trombes d’eau, la maladie s’insinue en lui. Il ne peut plus monter à cheval tant les douleurs de la goutte sont vives.
Il veut rester sur les lieux des combats, mais les médecins le supplient de bien vouloir s’installer dans l’une de ces maisons grises de Dinant, cette ville proche de Namur, où la Cour séjourne.
La goutte ne desserre pas ses mâchoires. Il reste alité, lisant les dépêches qui annoncent de mauvaises nouvelles.
L’armée des Impériaux est entrée en Dauphiné. Elle a pris Embrun et Gap. Ses soldats volent et violent, saccagent et détruisent les habitations.
Tout est Palatinat à la guerre.
Et il y a aussi cette défaite navale, Tourville battu à La Hougue, au large du Cotentin.
Il faut s’y résoudre : la mer est dominée par les Anglais et les Hollandais et on ne peut contre eux mener que la guerre de course.
Il décide d'accorder aux corsaires Jean Bart, Duguay-Trouin, des croix de Saint-Louis et même des lettres de noblesse.
Namur est tombé.
Il part rejoindre Versailles, alors que la pluie barre l’horizon. On oublie que devrait commencer, avec l’été, la saison des moissons. Mais que récolter, après des mois de gel et de pluie ? Les pousses de blé percent à peine la terre alors qu’on devrait déjà couper les épis ! Le temps est extravagant, dangereux, et le sol tremble, dans les Flandres.
Il donne des ordres aux intendants pour qu’on fasse,
Weitere Kostenlose Bücher