Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
évoque-t-il sinon Louis le Grand ?
Et il récidive, écrivant encore : « N’oubliez jamais que les rois ne règnent point pour leur propre gloire mais pour le bien de leurs peuples. »
Louis a l’impression que sa bouche et tout son corps se remplissent d’une humeur amère.
Ceux qui le critiquent croient-ils qu’il ignore que la disette frappe encore de nombreuses provinces, l’Auvergne et le Limousin, le Périgord et le Quercy ou le Rouergue ? Louis a parcouru les enquêtes qu’à la demande du duc de Beauvillier les intendants ont conduites dans leurs provinces. Il sait donc ce qu’il en est du royaume de France, des pauvres ou des hérétiques.
Il s’emporte quand il apprend que dans certaines provinces, on a traîné sur des claies, et mis à pourrir avec les carcasses d’animaux, des cadavres de huguenots.
Et ailleurs, d’autres intendants favorisent les enlèvements d’enfants ou les violences contre les obstinés de l’hérésie.
Il le répète : « Sa Majesté ne veut point qu’on use d’aucune contrainte. »
Mais si l’unité de foi du royaume est en péril, si une poignée de huguenots, ici ou là, résistent ou se rebellent, alors il faudra arracher ces mauvaises graines, pour qu’elles ne soient pas semences d’hérésie.
Il doit agir ainsi, en souverain juste et mesuré, mais ne cédant point, soucieux de sa gloire et de la grandeur du royaume, parce que c’est ainsi qu’il peut apporter le bien à ses peuples !
Il ne l’oublie pas quand il pense à la succession d’Espagne.
Charles II va de plus en plus mal. Et tous les ambassadeurs du royaume de France dans toutes les capitales rapportent qu’il n’est pas un souverain qui ne se préoccupe de l’héritage espagnol.
Il pense sans cesse à cet immense empire.
Le soleil ne se couche jamais sur les possessions espagnoles. Outre l’Espagne et les pays espagnols, Charles II détient le Milanais, les Deux-Siciles, la Toscane, la Sardaigne, les colonies des Indes et celles d’Amérique.
Serait-il digne d’un roi de France s’il abandonnait à un Habsbourg, allemand, Madrid, Cadix, Anvers, Naples et les richesses des Amériques et des Indes ?
Il est le fils d’infantes aînées d’Espagne, il a été l’époux de la sœur aînée de Charles II. Quant à l’empereur Léopold I er , il n’a été le fils et l’époux que d’infantes cadettes.
Faut-il faire la guerre pour cet héritage, ou bien le partager ?
C’est cela qu’il veut à nouveau, et il arrive à conclure un nouvel accord de partage avec l’Angleterre et les Provinces-Unies.
Dira-t-on que le désir de gloire l’aveugle alors qu’il a choisi de limiter des droits et donc des ambitions légitimes ?
Mais s’il fallait, pour les faire respecter, s’engager dans la guerre, il est prêt à le faire.
Il faut attendre.
Il se rend souvent à Marly, où il a décidé que l’étiquette serait plus légère.
Il le précise chaque fois à ses invités.
— Messieurs, jamais on ne se couvre devant moi, mais aux promenades je veux que ceux qui me suivent ne s’enrhument point et n’aient aucune incommodité, même lorsqu’une princesse est présente. Mettez vos chapeaux, messieurs !
Il rit aux bals masqués qui se succèdent. Le duc de Chartres s’y déguise en personnage de la commedia dell’arte, grimace et se contorsionne.
Et le roi applaudit.
Il se sent plus léger, gai, quand il est ainsi entouré par les membres les plus jeunes de la famille royale.
Et lorsque l’un d’eux quitte la Cour, il ne peut dissimuler son émotion. Il pleure en accompagnant à son carrosse la duchesse d’Orléans – la fille de la Palatine et de Monsieur – qui vient de se marier avec le duc de Lorraine et va rejoindre son époux à Nancy.
Il serre la main de Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne, elle aussi en larmes.
Il couvre la jeune duchesse de Lorraine de cadeaux somptueux et lui accorde une dot de neuf cent mille livres.
Un grand roi ne mesure pas sa générosité.
On lui rapporte que le duc de Saint-Simon a dit de lui :
« Jamais personne ne donna de meilleure grâce et n’augmenta par là le prix de ses bienfaits… Jamais homme ne fut si naturellement poli ni d’une politesse si fort mesurée… Jamais il n’a passé la moindre coiffe sans soulever son chapeau. »
Louis murmure :
— Cela s’appelle savoir vivre.
Il veut qu’on respecte l’étiquette, telle qu’il la fixe à Marly ou à
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