Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
immobiliers. Et le pays grogne. Mais peut-on faire la guerre sans finances abondantes ?
Et même avec ce nouveau prélèvement, elles ne le sont guère.
Et les hommes manquent aussi, malgré la levée de la milice, et parce qu’il faut distraire des milliers d’hommes, une armée, pour tenter de briser la révolte de ces camisards, de ces hérétiques qui dans les Cévennes continuent leur guerre.
Il lit les rapports de l’intendant Basville, du maréchal de Montrevel.
Ils lui écrivent que les camisards « ont élu des chefs parmi eux qui sont à la vérité d’une naissance abjecte, mais qui réparent ce défaut par beaucoup de courage et de capacité ».
Ils mènent une guerre d’embuscade. Même les femmes huguenotes ont pris les armes et crient « Tue ! Tue ! Vive l’épée de l’Éternel ! ».
Les condamnations aux galères, les pendaisons, les exécutions de centaines de camisards, l’incendie des villages, et même les défaites que leur inflige Montrevel, sa cruauté, ne parviennent pas à les réduire.
Au contraire, ils deviennent féroces, brûlent et égorgent les catholiques. Et des navires anglais viennent croiser devant Sète, sans doute avec l’intention de leur porter secours en débarquant des troupes hérétiques.
Un roi doit savoir être sans pitié.
Il faut étouffer, dit-il, cette prise d’armes, cette rébellion qui est l’alliée des ennemis du royaume.
Il n’est pas surpris d’apprendre que parce qu’on imagine le royaume affaibli, atteint par cette gangrène camisarde, des souverains, d’abord rangés à ses côtés, l’abandonnent.
Le Portugal du roi Pierre II signe un traité avec l’Angleterre, et menace ainsi l’Espagne.
Il faut donc renoncer à imposer à Philippe V ce cardinal d’Estrées dont la Cour espagnole ne veut pas. Car Philippe V, tout petit-fils du roi de France qu’il soit, peut, s’il juge ses intérêts royaux mis en danger, changer de camp. Les hommes sont ainsi. Et la princesse des Ursins peut aussi avoir intérêt à cette rupture, enivrée par son goût du pouvoir.
Louis hésite encore. Il n’aime pas céder. Mais un roi doit savoir feindre et manœuvrer.
Il écrit à Philippe V :
« J’ai su les raisons que vous aviez eues de me demander le rappel du cardinal d’Estrées. Je vous l’accorde. »
Mais quand il le peut, un roi doit frapper.
Il lit les dépêches des espions qui à Turin ont appris que le duc de Savoie Victor-Amédée a commencé à négocier avec l’empereur germanique.
Lui, le père de Marie-Adélaïde, duchesse de Bourgogne, héritière du trône de France, lui, le père de Marie-Louise Gabrielle, épouse de Philippe V, reine d’Espagne.
Il ne sert à rien de mépriser cet homme. Il faut agir.
Louis ordonne que le duc de Vendôme désarme les soldats du duc de Savoie.
Il écrit à Victor-Amédée de Savoie :
« Mon cousin, puisque la religion, l’honneur, l’intérêt, les alliances et votre propre signature ne sont rien entre nous, j’envoie mon cousin le duc de Vendôme à la tête de mes armées pour vous expliquer mes intentions. Il ne vous donnera que vingt-quatre heures pour vous déterminer. »
Il ne se fait aucune illusion. L’empereur a offert au duc de Savoie une bonne partie de la plaine de Pô, et une pension plus élevée que celle que lui verse le royaume de France.
Tels sont les rapports entre les souverains.
Celui d’entre eux qui est le plus puissant rassemble autour de lui les autres. Et malheur au roi qui montre ses faiblesses.
Il ne sera jamais celui-là.
Quand Michel Chamillart lui apporte la nouvelle que le maréchal de Villars a vaincu les Impériaux à Höchstädt, une petite ville bavaroise sur les bords du Danube, Louis dissimule sa joie parce qu’il doit montrer au secrétaire d’État à la Guerre que cette victoire ne le surprend pas. Il doit montrer à tous qu’il est sûr de l’issue de cette guerre. Et que les victoires obtenues par les armées de Louis le Grand sont dans l’ordre des choses.
Il se rend auprès de Madame, dont Fagon a dit qu’elle se portait beaucoup mieux.
Il se sent joyeux, l’invite, si elle le peut, à le rejoindre à Fontainebleau où il a décidé de se rendre avec la Cour.
Elle le remercie.
Elle a une « bonne nature », dit-elle. « Je ne me suis jamais affaiblie à force de saignées excessives et de médicaments. Je supporte vaillamment les maladies. »
Un roi doit en faire de même avec
Weitere Kostenlose Bücher