Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
les désagréments de la guerre. Et ne jamais se laisser abattre par la maladie ou la défaite.
Il doit continuer à faire son métier de roi.
Demain, dans la forêt de Fontainebleau, il chassera le cerf en calèche.
28.
Louis se tient debout, au pied du lit où la duchesse de Bourgogne, les jambes écartées et repliées, geint et halète depuis plusieurs heures déjà, entourée des médecins, des chirurgiens et des dames.
Il espère que la naissance de celui dont il n’imagine pas qu’il puisse ne pas être un mâle, son arrière-petit-fils, aura lieu avant la fin de cet après-midi du 25 juin 1704.
Il l’attend, comme toute la famille royale rassemblée dans la chambre de Marie-Adélaïde, duchesse de Bourgogne.
Mme de Maintenon est à la tête du lit, et serre la main de la duchesse.
Il voit le duc de Berry traverser la chambre, pour se rendre dans un cabinet voisin où s’est retiré le duc de Bourgogne, trop ému pour demeurer dans la chambre, à entendre et à voir son épouse en proie aux douleurs de l’accouchement.
L’attente se prolonge.
Louis s’appuie sur sa canne. Mais depuis le matin les douleurs se sont calmées, comme si l’espoir de voir naître un arrière-petit-fils les avait refoulées, et avec elles la fatigue et les préoccupations de ces derniers mois.
Il y a eu ces disputes de cour, l’hostilité renaissante, après leur réconciliation, entre Mme de Maintenon et Élisabeth Charlotte.
La Palatine confie à qui veut bien l’entendre – et à la Cour ils le veulent tous :
— Cette dame me haïra jusqu’à sa mort. Quelque bonne mine qu’elle puisse faire, je vois bien la fausseté au travers. Il y a trop longtemps que je la connais pour avoir pu m’y tromper.
Madame se plaint aussi de la duchesse de Bourgogne :
— Elle me hait d’une manière si atroce que ses traits s’altèrent rien qu’à me regarder, dit-elle, toujours en confidence !
Louis sait bien que la cour est un nid de jalousies et donc de haines et de rumeurs. Il y a vécu depuis l’enfance. Et il s’en méfie, s’en protégeant par le silence et l’impassibilité.
Il reçoit Mme la Palatine, après le souper.
Il s’efforce à l’écouter avec attention et courtoisie. Elle est la veuve de Monsieur. Il accepte qu’elle vive à Versailles. Il lui verse une pension. Il honore son fils, le duc d’Orléans, il se réjouit que le petit-fils de Madame, le duc de Chartres, soit un enfant robuste.
Mais il ne veut plus admettre Madame dans l’intimité de ses soirées. Il la renvoie, après l’avoir entendue.
Elle dit, déçue :
— En général, on me traite bien mais en particulier, on ne veut de moi nulle part…
« Le roi dès que j’ai fini de parler me renvoie, cela se fait certainement pour faire plaisir à la duchesse de Bourgogne. »
Il ne commente pas ces propos qu’on lui rapporte. Comment pourrait-il en ces temps de guerre accorder de l’importance à ces humeurs de veuve, à ces querelles de femmes ?
Il a appris que ce qu’il craignait depuis la trahison portugaise s’est réalisé.
Des troupes anglaises et hollandaises ont débarqué à Lisbonne, avec dans leurs bagages l’archiduc Charles de Habsbourg qui s’est proclamé Charles III d’Espagne, en prétendant que le testament de Charles II n’a pas été respecté et qu’il faut donc chasser le duc d’Anjou, Philippe V, Bourbon et souverain illégitime.
Les troupes débarquées marchent vers la frontière espagnole cependant que les navires anglais croisent devant Gibraltar et toujours le long des côtes françaises, de Sète à Montpellier. Leur intention est à l’évidence d’aider les camisards rebelles des Cévennes.
Elle n’en finit pas de pourrir, cette guerre d’embuscades où la cruauté répond à la férocité.
Louis sent qu’il faut changer de médecine. Celle appliquée par l’intendant Basville et le maréchal de Montrevel est impuissante à soigner cette plaie gangrenée et purulente, qui menace de s’étendre car les camisards de Jean Cavalier remportent des succès, et certains paysans et même des gentilshommes dans les provinces voisines rêvent de les imiter, de se rebeller contre les impôts, le pouvoir des intendants.
Il faut mettre fin à cela.
Il a convoqué le maréchal de Villars.
Il faut le flatter, lui dire :
— Des guerres plus considérables à conduire vous conviendraient mieux ; mais vous me rendrez un service bien important si vous
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