Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
Grand Dauphin avant de devenir le roi d’Espagne Philippe V.
Louis s’approche. L’enfant dort paisible, après avoir été ondoyé.
Louis veut croire les faiseurs d’horoscope qui prédisent que cet enfant sera heureux. Ils ajoutent : « Il est très avantageux à un État d’avoir beaucoup de princes d’une même race. »
Louis se retire dans l’appartement de Mme de Maintenon.
Il pense à ce nouveau descendant qui ne régnera sans doute pas puisque, avant lui, doivent accéder au trône le Grand Dauphin – son grand-père –, le duc de Bourgogne – son père – et le duc de Bretagne – son frère aîné.
Mais Dieu décide de ceux qui doivent survivre et régner.
Et cette naissance ainsi le fait de nouveau penser à la mort.
Il apprend que, dans le couvent des Carmélites, on a découvert, agonisant sur les dalles de la galerie du cloître, sœur Louise de la Miséricorde.
C’est un autre pan de son passé qui devient poussière. Et quelques instants sa mémoire retrouve le visage et la silhouette de Louise de La Vallière.
Mais tout se dissipe vite, et il ne réussit même pas à imaginer cette passion d’il y a près de cinquante ans, enfouie, qui lui semble appartenir à une autre vie que la sienne.
Et cependant il doit recevoir la princesse de Conti, sa fille, que Mlle de La Vallière a portée. Elle pleure sa mère, et lui demande l’autorisation d’en prendre le deuil.
Il l’accorde à regret.
Ses enfants sont les siens, et non ceux des femmes, ses maîtresses, qui les ont portés !
Ils sont de sang royal et, bâtards ou légitimes, ils font partie de la famille royale, et il veut en unir toutes les branches, afin que les bâtards ne soient séparés par rien des enfants légitimes.
Il connaît les réticences qu’il doit surmonter avant d’atteindre ce but.
Il se souvient qu’il a dû imposer à son frère et à Mme la Palatine le mariage de leur fils Philippe d’Orléans avec Mlle de Blois, la fille bâtarde d’Athénaïs de Montespan.
Maintenant, il veut marier son troisième petit-fils à Marie-Louise Élisabeth d’Orléans, la fille de Philippe d’Orléans et de Mlle de Blois. Elle est à la fois sa petite-nièce et sa petite-fille.
Elle n’a que quinze ans mais son corps déjà lourd est celui d’une femme avide de toutes les jouissances.
Elle est entêtée, orgueilleuse, fantasque, ambitieuse, dévorée par le désir d’épouser le duc de Berry, un gros jeune homme de vingt-quatre ans qui ne sait que chasser et jouer. Louis est aussi inquiet des relations équivoques que la jeune fille entretient avec son père le duc d’Orléans.
Mais il veut ce mariage.
Il obtient la dispense de Rome, nécessaire compte tenu des liens de parenté qui unissent les futurs époux. Et le mariage est célébré dans la nouvelle chapelle de Versailles.
Le duc de Berry est si corpulent qu’on n’a pu lui faire porter un pourpoint. Et sa jeune épouse ne peut elle aussi, sous sa robe de taffetas noir couverte de broderies, dissimuler ses formes généreuses.
Lorsque Louis entre dans la chapelle, il oublie les préoccupations qui l’assaillent. Il voit tous les princes du sang et les duchesses agenouillés de part et d’autre du prie-Dieu royal où lui-même prend place.
Il lève les yeux.
Les tribunes de la chapelle sont pleines de dames de cour et comme elles sont extrêmement parées et qu’elles portent une infinité de pierres précieuses, leur beauté et leurs parures forment l’un des plus magnifiques et des plus éclatants spectacles qu’il ait vus depuis longtemps.
Il est ému lorsque, à la fin de la messe, le curé dépose sur son prie-Dieu le livre des mariages, et lorsque le premier aumônier lui présente la plume pour signer. Il attend un instant avant de le faire. Il faut savourer ce moment.
Il est Louis le Grand, à l’origine de tout cela, la chapelle, l’étiquette, et aussi source des vies et des destins de tous ceux qui sont de son sang.
Et le soir, il les rassemble, dans le salon qui précède sa chambre, pour un grand souper de vingt-huit couverts.
Il préside la longue table rectangulaire avec à sa droite le Grand Dauphin, son fils, et à sa gauche le duc de Bourgogne, son petit-fils. Et il y a autour de la table ses bâtards, mêlés à ses enfants légitimes.
Il a réussi cela, cette fusion de tous ceux qui sont de son sang.
À la fin du souper, il conduit, suivi de toute la Cour, les mariés à leur lit. Il donne la
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