Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
mais il doit l’aider. Et il approuve Torcy qui propose d’envoyer en Espagne le duc de Vendôme, exilé loin de la Cour depuis la défaite d’Audenarde. Mais c’est un bon chef de guerre. Il faut, dit Louis, que tous les sujets du royaume, ducs ou paysans, participent à cette guerre.
Il est indigné de lire dans une lettre de l’archevêque de Cambrai, qui a été interceptée, que Fénelon écrit au duc de Chevreuse :
« Notre mal vient de ce que cette guerre n’a pas été jusqu’ici que l’affaire du roi, qui est ruiné et discrédité. Il faudrait en faire l’affaire véritable de tout le corps de la nation. »
N’est-ce pas ce qu’il a fait dans l’appel adressé au pays ?
Il prend la plume. Il sent le besoin d’écrire une nouvelle adresse à ses sujets, et les mots de cette harangue viennent sans que jamais un seul lui manque.
Il a le sentiment, en écrivant, de se confesser.
« J’ai soutenu cette guerre avec la hauteur et la fierté nécessaires qui conviennent à ce royaume, dit-il. C’est par la valeur de ma noblesse et le zèle de mes sujets que j’ai réussi dans les entreprises que j’ai faites pour le bien de l’État.
« J’ai donné tous mes soins et toute mon application pour y parvenir.
« Je me suis aussi donné les mouvements que j’ai cru nécessaires pour remplir mes devoirs et pour faire connaître l’amitié et la tendresse que j’ai pour mes peuples en leur procurant par mes travaux une paix qui les mette en repos le reste de mon règne pour ne penser plus qu’à leur bonheur.
« Après avoir étendu les limites de cet empire et couvert mes frontières par les importantes places que j’ai prises, j’ai écouté les propositions de paix qui m’ont été faites et j’ai peut-être passé, à cette occasion, les bornes de la sagesse pour parvenir à un aussi grand ouvrage.
« Je puis dire que je me suis sorti de mon caractère et que je me suis fait une violence extrême pour procurer promptement le repos à mes sujets aux dépens de ma réputation ou du moins de ma satisfaction particulière et peut-être de ma gloire. J’ai cru leur devoir cette reconnaissance.
« Mais voyant à cette heure que mes ennemis les plus emportés n’ont voulu que m’amuser, me tromper, je ne vois plus de parti à prendre que celui de songer à nous bien défendre en leur faisant voir que la France bien unie est plus forte que toutes les puissances rassemblées.
« Par les efforts que nous ferons par notre union, nos ennemis connaîtront que nous ne sommes pas en l’état qu’ils veulent faire croire et nous pourrons les obliger à faire une paix honorable pour nous, durable pour notre repos et convenable à tous les princes de l’Europe.
« C’est à quoi je penserai jusqu’au moment de sa conclusion, même dans le plus fort de la guerre, aussi bien qu’au bonheur et à la félicité de mes peuples qui ont toujours fait et feront jusqu’au dernier moment de ma vie ma plus grande et ma plus sérieuse application. »
Il pose la plume.
Il se sent mieux d’avoir ainsi écrit ce qu’il éprouve.
Mais, il le sait, son sort et donc celui du royaume sont entre les mains de Dieu.
37.
Il remercie Dieu quand, ce 14 février 1710, à sept heures du matin, son premier valet de chambre Blouin vient le réveiller.
La duchesse de Bourgogne, Marie-Adélaïde, est en travail, l’enfant, le deuxième arrière-petit-fils, peut naître d’un instant à l’autre.
Il faut se lever aussi vite que le corps lourd et douloureux le permet. Hier soir, Louis a ordonné aux valets qu’on laisse ses habits dans sa chambre.
Il n’a pas pu assister à l’accouchement du duc de Bretagne, né trop vite. Il ne veut pas manquer celui-là.
Un arrière-grand-père, un roi, doit être présent au moment de la naissance de ses descendants.
Il se rend dans la chambre de la duchesse.
L’accoucheur Clément lui murmure que l’enfant ne vient pas trop bien, puisqu’il se présente d’abord par le derrière et ensuite les jambes. Il faut faire faire un soubresaut à la duchesse, pour pouvoir tirer l’enfant par les pieds.
Louis croise les bras.
« Si Dieu le veut », murmure-t-il, puis il prie, ne détournant pas les yeux de l’accoucheur qui, assisté de deux médecins, s’affaire.
Enfin un cri. Il est né à huit heures trois minutes et trois secondes.
C’est un garçon qui sera appelé duc d’Anjou, le nom qu’avait porté le deuxième fils du
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