L'ultime prophétie
digitale.
Une empreinte digitale ? D'où lui venait ce terme ?
Elle craignit un instant de fondre en larmes inutiles.
Que le poids de ces souvenirs oubliés et celui des choses à
venir était donc lourd !
Mais elle se redressa et écarta ces idées noires. Ces dernières
ne pouvaient que le servir, lui, se dit-elle avec colère.
Un murmure traversa la pièce et le cercle des mères
s'ouvrit, laissant entrer Cilla. Son visage était rougi par le froid et le vent
et elle portait un plateau de nourriture.
— Je suis désolée d'avoir été retardée, ma sœur, mais la
tradition exigeait que Ratha et moi festoyions en l'honneur de Giri, dit-elle
en posant le plateau entre Sara et Tess.
Elle serra l'épaule de cette dernière.
— J'ai mangé rapidement et vous ai apporté le reste.
Restaure-toi et repose-toi, ma sœur. Tu es en sécurité, maintenant.
Tess parcourut du regard le cercle de femmes âgées, puis ses
deux sœurs, et comprit enfin.
Elle n'était pas seule.
9.
Archer rejoignit Jenah et Tuzza sous la grande tente qui
servait de quartier général provisoire pour les deux armées. Elle avait été
installée en terrain neutre entre les deux camps, en un lieu où personne
n'avait jusque-là vu l'intérêt de bâtir quoi que ce soit, d'autant plus que le
départ était imminent. Entreprendre des travaux en vue d'un campement et de
bâtiments pour les Bozandari visait à donner un but et un sentiment de
stabilité aux anciens prisonniers et à établir des liens entre eux et les
Anari.
Les problèmes avaient été peu nombreux jusque-là. Le fait
que les Anari avaient commencé à arborer des bannières où figurait un loup des
neiges avait grandement contribué à améliorer les relations. Tout autant que
les dons étonnants des tailleurs de pierre anari, qui avaient aidé leurs
anciens ennemis à construire le campement.
Cependant, le véritable danger était tout proche, et il ne
serait pas aussi aisément combattu. Les hommes de Tuzza supporteraient-ils
d'affronter une autre légion bozandari, si cela s'avérait nécessaire ?
Nul ne pouvait répondre formellement à cette question, si
l'on faisait abstraction des serments. Tous les soldats avaient prêté allégeance
à Tess mais cela ne signifiait pas forcément qu'ils tueraient leurs propres
frères d'armes.
Chaque jour qui passait trouvait Tuzza plus inquiet au sujet
des difficultés qui les attendaient. Jenah éprouvait la même appréhension et
avait souvent cette vision de cauchemar dans laquelle les troupes bozandari
déposaient les armes devant leurs camarades, laissant les Anari se faire
massacrer ou emmener comme esclaves. Les deux hommes étaient d'un naturel
méfiant mais une amitié semblait se renforcer de jour en jour entre eux.
Archer était profondément conscient des tensions, bien qu'il
ne les évoquât que rarement.
— Le temps, avait-il dit à Jenah comme à Tuzza. Nous avons besoin
de temps. Tout ceci est nouveau pour nos peuples. Nous devons les accompagner
sur ce chemin aussi longtemps que nous le pourrons.
Mais ce soir, alors qu'il se tenait à l'entrée de la tente
aux côtés de Tuzza et de Jenah, il remarqua que les officiers anari et
bozandari ne se mélangeaient pas, comme si un mur invisible les séparait. Denza
Grundan, le soldat au sang anari qui avait été récemment promu officier, se
trouvait au milieu, tel un pont joignant deux rives. Archer fut soulagé de
constater que ni un camp ni l'autre ne paraissait dérangé par sa présence si
près d'eux.
Une fois tout le monde installé, Tuzza avança d'un pas et
leva une main.
— Le temps est venu. Nous avons reçu des informations des
éclaireurs anari et bozandari.
Il se tut un instant, comme s'il voulait mesurer la portée
de ses mots. Puis, il poursuivit en choisissant soigneusement ceux-ci :
— Je vais m'exprimer autrement. Nos éclaireurs nous ont
rapporté des informations.
Des hochements de tête saluèrent la formule, prenant note de
la distinction ainsi faite. Mais les visages demeuraient impénétrables.
— Une légion est entrée sur les terres anari, probablement
pour venir à notre rescousse, ajouta Tuzza en faisant un signe de tête en
direction des officiers bozandari. Nous devons aller à leur rencontre mais il
faut à tout prix que cette rencontre soit pacifique.
Des murmures d'approbation accueillirent cette remarque
parmi les officiers à la peau claire mais les Anari ne réagirent
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