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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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versa de l'huile dans la lampe, la flamme se redressa. Les murs de l'ulaq étaient plus sombres que d'habitude et les rideaux brûlés, mais, à sa surprise, peu de choses étaient endommagées.
    Elle fouilla dans les chambres de l'ulaq en se demandant si par chance un membre de la famille avait pu échapper au feu. Dans la chambre de son père, au fond de l'ulaq, Chagak aperçut une forme blottie contre le mur noirci et reconnut un de ses frères. Elle poussa un cri de joie mais découvrit avec désespoir que si le corps ne portait ni blessure ni brûlure, comme tous les gens du village, le jeune garçon était mort, les yeux et la bouche ouverts pour permettre à l'esprit de s'échapper. Son ventre était déjà enflé.
    Quel étrange pouvoir possédait le feu. Comment pouvait-il permettre à l'esprit des hommes de s'enfuir sans les toucher? Arrêtait-il le souffle? Comprimait-il le cœur? Gelait-il le sang?
    Chagak posa la lampe sur le sol et roula une couverture sur le corps de son frère, puis elle posa sur lui les fourrures qui couvraient la couche de son père. Ce frère avait été son préféré, avec ses yeux noirs toujours brillants de malice. Bien qu'il n'eût que six étés, il avait pris son premier macareux, attrapé avec le petit harpon que son père lui avait confectionné.
    La mère de Chagak avait préparé une fête pour cette occasion. Ils avaient été tous réunis, alors, sa mère, son père, sa tante et son oncle qui vivaient avec eux dans l'ulaq et même la grand-mère de Chagak qui était morte au début de l'été.
    A nouveau Chagak entonna le chant des morts, remplissant l'ulaq de la chanson sacrée de son peuple.
    Elle dut entasser un paquet de peaux de fourrure pour atteindre le toit. Dehors elle trouva les corps calcinés de sa mère et de sa sœur et les poussa dans l'ulaq avant de les transporter l'une après l'autre dans la chambre de son père, sans se soucier que leurs corps noircis abîment les plumes de son suk.
    La dernière fois qu'elle sortit de l'ulaq, Chagak emporta une des lampes de chasse de son père car le soleil s'était couché et l'obscurité s'étendait entre les ulas.
    Elle se rappela l'endroit où son frère aîné était tombé et le retrouva, les yeux ouverts dans la mort, sa poitrine couverte de sang séché. Elle le remonta dans l'ulaq et l'étendit dans la chambre de son père.
    Cette nuit-là, Chagak parcourut tout le village avant de retrouver son oncle, sa tante et finalement son père. Elle remonta tous les corps dans l'ulaq et les enveloppa dans des fourrures ou des peaux de phoque.
    Quand elle n'eut plus la force de remonter sur le toit, elle s'allongea devant l'ouverture de la chambre de son père et s'endormit.
    3
    Quand elle s'éveilla, la première pensée de Chagak fut qu'elle devait terminer le tissage de la natte de nuit de Traqueur de Phoques. Puis elle se rappela et avec le souvenir vint une obscurité qui la fit désirer s'enfuir et trouver refuge dans le sommeil. Elle se mit à trembler. Ses mains étaient trop légères pour son corps, ses bras et ses jambes trop lourds, sa poitrine trop remplie de désespoir et il n'y avait place pour rien d'autre.
    Elle se dégagea des fourrures et ralluma plusieurs lampes à huile, puis elle dénicha quelques œufs que sa mère et elle avaient enterrés dans le sable après les avoir enduits d'une couche d'huile, au fond de la réserve, et elle se força à manger.
    Chaque bouchée semblait avoir un goût de cendres et elle eut un haut-le-cœur, mais elle savait qu'elle n'aurait pas la force de terminer sa sinistre besogne si elle ne mangeait pas. Elle ferma les yeux et pensa aux collines verdoyantes, au vent qui soufflait de la mer, et quand elle eut avalé deux œufs elle sortit de l'ulaq.
    La nuit précédente elle n'avait pu trouver son petit frère bien qu'elle fût certaine de connaître l'endroit où sa mère l'avait lancé. Maintenant, à la lumière du jour, elle se mit à sa recherche, mais ne le trouva pas. L'inquiétude commença à s'ajouter à sa peine.
    Les conteurs parlaient de peuplades qui enlevaient des enfants d'une autre tribu pour les élever comme les leurs. Spécialement les garçons. Peut-être son frère n'était-il pas mort. Peut-être les agresseurs l'avaient-ils enlevé pour l'élever comme un des leurs.
    Il vaudrait mieux que Pup fût mort, pensa Chagak, et pendant un moment elle resta assise sur le toit de l'ulaq sans rien faire. Puis il lui sembla que les esprits des morts

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