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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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l'appelaient et elle se leva pour terminer la pénible besogne commencée la veille.
    Chagak tira les corps, chanta les prières des morts et s'efforça de ne pas respirer au milieu des essaims de mouches. Les oiseaux posaient un problème encore plus grand. Les mouettes plongeaient en criant et essayaient de donner des coups de bec sur les blessures ou les yeux des morts.
    Lorsque la boule ronde du soleil s'éleva à son zénith, Chagak trouva Traqueur de Phoques.
    D'abord elle ne le reconnut pas. Son visage enflé était recouvert du sang d'une blessure à la gorge, son ventre ouvert de la poitrine au sexe, mais quelque chose de profond en elle lui arracha un cri de douleur quand elle regarda le corps.
    Traqueur de Phoques tenait une lance à la main. Un autre corps gisait à côté de lui; celui d'un étranger. L'homme portait une blessure sanglante à l'épaule et une autre au milieu de la poitrine. Ses pieds étaient peints en noir. Il portait un parka en fourrure de loutre et de peaux de lamantin, mais il n'était pas décoré à la manière d'une tribu que Chagak connût, ce n'étaient ni les commerçants appelés les Hommes Morses ni le peuple de sa mère, les Chasseurs de Baleines. Peut-être faisait-il partie du Peuple des Caribous ? Une tribu lointaine dont parlaient parfois les Chasseurs de Baleines. Mais pourquoi les Caribous auraient-ils quitté leur village pour venir dans les îles? Le Peuple des Caribous ne faisait pas de commerce. Il ne savait rien des ikyan ou des animaux de la mer. De plus ces hommes n'étaient-ils pas grands et de teint clair ? Cet étranger était petit et, même décolorée par la mort, sa peau était sombre.
    Elle considéra les deux corps. Traqueur de Phoques, l'homme qu'elle devait épouser, et cet étranger, un méchant homme.
    — Ils se sont entre-tués, dit Chagak à haute voix au vent et aux esprits qui pourraient être près de là.
    Son peuple avait-il fait du mal à ces hommes ? Pourquoi étaient-ils venus tuer et voler? Chagak sortit son couteau de l'étui qu'elle portait sous son suk et commença à trancher les articulations de ce mort. Mais chaque coup de couteau semblait augmenter la douleur qu'elle ressentait, comme si son couteau avait eu deux lames, l'une pour l'ennemi, l'autre pour son propre esprit.
    Chagak tira le corps de Traqueur de Phoques jusqu'à l'ulaq de son père. Après avoir essuyé son visage et son corps du sang qui les recouvrait, elle enroula le jeune homme dans la couverture qu'elle avait tissée pour lui et le tira dans la chambre de son père. Quand elle eut terminé, il lui sembla qu'elle n'avait plus d'énergie pour travailler, ni désir de quitter l'ulaq.
    C'était un gr and ulaq, assez vaste pour abriter l'esprit de toute sa famille et le sien. Chagak était assez âgée pour se rappeler l'époque où son père l'avait construit. Avec l'aide de plusieurs hommes du village il avait passé trois ou quatre jours à creuser une fosse sur le flanc de la colline. Elle se souvenait encore de la joie qui régnait alors. Avec sa mère, ses tantes et sa grand-mère, Chagak avait pétri de l'argile tirée du bord du ruisseau avec juste assez d'eau pour la rendre malléable, puis elles avaient recouvert le fond de la fosse et l'avaient aplati avec de la terre en piétinant des-sus, riant, dansant et écoutant les vieilles légendes que racontait sa grand-mère.
    Quelque temps auparavant, une baleine s'était échouée sur la rive et le chef des chasseurs avait donné au père de Chagak la permission d'utiliser les mâchoires de la baleine pour en faire les chevrons du toit. A leur tour les hommes avaient tapissé les côtés de la fosse avec des pierres assemblées au moyen de terre renforcée de gravier. Avec les pierres et des rondins de sapins comme support, ils avaient placé les mâchoires de baleine maintenues en place par des rondins plus petits. Les femmes avaient glissé de la paille et de la bruyère hachée entre les chevrons et avaient aidé les hommes à terminer le toit avec des mottes d'herbe et de chaume.
    Chagak leva les yeux vers la lumière venant du toit. Il restait encore assez de temps pour enterrer les autres, mais je suis trop fatiguée, pensa-t-elle. Certainement, les esprits comprendront.
    Elle resta assez longtemps dans la pièce principale de l'ulaq en s'efforçant d'écarter toute pensée de son esprit. Elle n'alluma pas les lampes à huile même quand le jour fut complètement tombé. La journée avait été

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