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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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dans l'herbe, serrant sa lance contre son flanc. Elle l'avait fabriquée à l'aide d'un long bout de bois flotté qu'elle avait lissé avec de la roche de lave, puis avait taillé une extrémité en pointe durcie au feu. Ce n'était qu'une javeline de garçon, à peine plus solide qu'un jouet, mais elle avait harponné du poisson avec. Peut-être offrirait-elle quelque protection si ceux qui venaient étaient des ennemis.
    Elle avait attendu, heureuse que ses fils soient sous son suk, ainsi, s'il le fallait, elle pourrait courir dans les collines, courir jusqu'à la toundra moussue derrière les collines, et grimper dans les roches des montagnes.
    Mais elle avait reconnu Samig, et Kayugh, et Amgigh, et s'était avancée à leur rencontre. Puis elle fut de nouveau avec Samig, elle le voyait, entendait sa voix, le dévisageait. Mais Samig avait Trois Poissons, et Kiin avait Amgigh. Alors, chaque fois que les pensées de Kiin dérivaient vers Samig, elle obligeait son esprit à avoir des pensées pour Amgigh, de bonnes choses à son propos. Et quand les autres hommes achevèrent de manger et gagnèrent leurs abris, Kiin invita Amgigh dans le sien.
    Quand elle eut fini de nourrir ses fils, elle les coucha dans leurs berceaux. Elle était épouse; elle savait se préparer pour Amgigh.
    Elle huila son visage et lissa ses cheveux avec un peigne fait d'une coquille de clam. Amgigh l'observait et elle y trouva du plaisir, remarquant qu'il lui était plus facile alors de chasser Samig de ses pensées. Kiin ôta son suk, frotta de l'huile sur ses jambes, bougeant comme elle se rappelait avoir vu faire Queue de Lemming, pour qu'Amgigh la désire. Puis elle s'allongea à sa place sur les nattes et attendit qu'Amgigh s'étende près d'elle. Mais s'il lova son corps contre celui de Kiin, il nota pas son tablier, ni celui de Kiin.
    Allongée, le regard fixe dans l'obscurité, Kiin se demandant si, au cours de cette année qu'elle avait passée loin de son peuple, elle était devenue laide, ou si son audace vis-à-vis des hommes avait contrarié Amgigh. Peut-être avait-il remarqué qu'elle parlait aisément désormais, que les mots ne se blo-quaient plus dans sa gorge. Peut-être, maintenant qu'elle parlait normalement, la trouvait-il trop bavarde. Percevant le souffle régulier d'Amgigh, le rythme du sommeil, une pensée lui vint qui la fit trembler.
    Peut-être Amgigh voyait-il ce qu'elle ne pouvait voir : les marques des mains de Qakan sur son corps, la malédiction de son acte comme des cicatrices sur la peau lisse de ses seins, de ses cuisses, de son ventre.
    67
    Pendant les neuf jours qui suivirent, les femmes péchèrent et ramassèrent des oursins. Elles allèrent dans les collines cueillir de l'ivraie pour leurs paniers et chercher de la camarine et de la canne-berge. Les hommes chassaient les phoques veaux marins qui nageaient près du rivage ou aidaient les femmes à construire des ulas.
    Le premier ulaq fut pour Oiseau Gris et Coquille Bleue. Oiseau Gris demanda que son ulaq soit achevé rapidement afin que Qakan, dont le corps avait été découpé et dont l'esprit sans pouvoir était prisonnier sur la plage, puisse avoir un endroit où se réfugier. Quand l'ulaq d'Oiseau Gris fut fini, ils en bâtirent un grand où tous pourraient rester en attendant qu'un troisième soit prêt.
    Puis les commerçants arrivèrent. Hommes et femmes, bébés, jeunes chasseurs, marchandises empilées dans leurs iks ou arrimées à leurs ikyan. Il y avait des Premiers Hommes et des Hommes Morses, et d'autres encore avec des peaux d'ours en guise de couvertures, avec des chigadax en boyau d'ours. Ils ne semblaient pas troublés par la pré-sence du peuple de Kayugh. Ils accueillirent les deux nouveaux ulas avec des sourires et des hochements de tête.
    — Un bon endroit pour vivre, entendit Kiin prononcer par une femme dans la langue Morse.
    Des feux de bois flotté et d'os de phoque bordaient le grand cercle de la plage, et les lampes de chasseurs brûlaient toute la nuit.
    Chagak et Nez Crochu, Baie Rouge et Kiin suspendaient des peaux de poissons et du bouillon au-dessus des feux extérieurs. Des commerçants venaient, donnant de petites choses — une dent d'ours, un éclat de silex noir, quelques perles de coquillages — contre un bol de bouillon.
    À chaque bateau qui accostait, Trois Poissons courait leur demander s'ils avaient des nouvelles des Chasseurs de Baleines. Chaque fois, elle revenait aux ulas des Premiers Hommes, de la

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