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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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l'appela :
    — Je croyais que tu voulais être commerçant.
    Qakan haussa les épaules et rapprocha son ik de
    celui de sa sœur.
    — Ce fut une mauvaise nuit, dit-il de cette voix geignarde et haut perchée à laquelle Kiin était habituée. Il y avait des esprits sur la plage où j'ai accosté.
    Kiin hocha la tête. Elle était quasi certaine qu'il avait passé la nuit sur le côté ouest de l'île Tugix. Les Premiers Hommes y possédaient un campement, et même un petit ulaq. Les ours marins s'arrêtaient sur cette plage quand ils remontaient de la mer du sud vers le nord.
    Ce n'était pas un lieu si affreux. Toute jeune fille, Kiin s'y était rendue une fois. Elle avait volé l'ik de Nez Crochu et pagayé jusqu'à la crique, décidée à y vivre à l'écart de son père. Kayugh l'y avait trouvée le lendemain et l'avait ramenée chez elle, mais la nuit n'avait pas été terrible. Il n'y avait pas d'esprits.
    Qakan baissa les yeux, évitant son regard et, pour un instant, Kiin eut pitié de son dépit. Ce devait être épouvantable d'être aussi paresseux et peureux que Qakan.
    — J'ai ramassé beaucoup de chitons, lança-t-elle. As-tu un panier que je puisse en rapporter à notre mère?
    Il fit signe que oui et lui tendit un de ses propres paniers, décoré avec des boucles jaunes faites de duvet de macareux. Elle voulait le lui rendre et en demander un moins beau, mais son esprit murmura : « Pourquoi ajouter à sa douleur ? » Si bien qu'elle prit le panier qu'elle remplit.
    Kiin avait les yeux baissés et ne vit pas Qakan brandir sa pagaie au-dessus d'elle, elle ne leva la tête que lorsqu'elle entendit le sifflement de la rame dans l'air.
    La rame la frappa à la tempe gauche, déchira sa peau et l'envoya heurter le fond de l'ik. Elle regarda un instant Qakan, ne lut aucune honte dans ses yeux, aucune peur. Lentement, elle obligea ses lèvres à prononcer un seul mot :
    — Pourquoi?
    Mais Qakan se contenta de rire. Alors, le ciel vira au rouge et l'océan au noir. Kiin ne vit plus rien.
    20
    La douleur réveilla Kiin. Sa tête lui faisait mal et son dos lui donnait l'impression d'avoir été battue ou fouettée jusqu'à ce que la peau éclate à vif. Son ventre était lourd de douleur, comme si elle avait envie de vomir et, lorsqu'elle voulut ouvrir les yeux, elle en fut incapable.
    Je suis dans l'ik, se dit-elle en sentant l'eau battre sur ses flancs. Puis vint la peur, aussi violente et tranchante que sa douleur. Si elle était dans l'ik, alors les courants l'avaient emportée loin à l'intérieur des mers. Elle devait trouver la pagaie. Elle saisit les bords de l'embarcation et s'assit péniblement. La douleur s'installa sous son ventre et elle sentit un flot de chaleur entre ses jambes. Elle ouvrit les yeux. Elle vit tout en double, quatre jambes, deux croisées au centre, et du sang partout. Elle referma les paupières.
    Non, pensa-t-elle. Ce n'est pas le temps que je saigne. C'est encore la nouvelle lune.
    À cet instant, une voix parvint au-dessus d'elle, une voix et un rire.
    — Amgigh ne te voudra plus, maintenant. Samig non plus. J'ai repris ton âme, Kiin.
    Kiin ne cilla pas, mais son esprit bougea en elle. Brusquement, Kiin sut que Qakan l'avait prise comme un homme prend une femme. L'avait prise dans la colère et avec une grande force, et l'avait déchirée.
    Lentement, très lentement, elle se rallongea. Elle croisa les bras sur sa poitrine. Que le sang coule. Qu'il tache l'ik de Qakan, qu'il lui apporte la malédiction du sang de la femme. Quelle importance?
    — Je vais t'utiliser comme monnaie d'échange, dit Qakan. Tu m'apporteras un bon prix. Tu crois qu'Amgigh viendra te chercher? lança-t-il en riant. Détrompe-toi. Tout le monde te croit morte. Même si Amgigh te retrouvait, il ne voudrait plus de toi. Tu es salie, comme de la viande avariée.

Kiin ouvrit les yeux, bougea la tête afin de voir Qakan. Son gros visage gras était flou. Le sang s'écoulait toujours des blessures de Kiin et elle frémit à la pensée de Qakan sur elle, se poussant en elle, laissant son liquide, l'épais lait blanc brûlant comme du jus d'ugyuun. Mais il n'avait pas volé son esprit. Son esprit était fort en elle et s'agitait de rage. Kiin ferma les yeux, serra les lèvres et se boucha les oreilles pour l'empêcher de sortir. Elle ne le laisserait pas s'échapper. Elle le garderait à l'intérieur, et si pour l'instant elle n'était pas assez forte pour lutter contre Qakan, sa tête

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