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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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vers la mer. Elle est avec les esprits marins. Peut-être guidera-t-elle les phoques vers ton harpon, ajouta-t-il pour Amgigh.
    Amgigh ne put répondre, ne put ressentir autre chose qu'un vide écœurant dans son ventre, un profond émoi. Il regarda sa mère, dans le fol espoir qu'elle lui dirait qu'Oiseau Gris se trompait. Kiin était sûrement vivante. C'est alors qu'il remarqua qu'elle aussi avait noirci son visage de cendres et qu'elle avait coupé une partie de sa chevelure pour qu'elle retombe en frange sur son front.
    Il tira le couteau de son fourreau de poignet et, regardant vers la mer, se lacéra le visage, s'entaillant la joue jusqu'à l'os. Il essuya la lame dans le sable puis avança dans l'eau et s'aspergea le visage. Le sel brûla sa blessure.
    — C'était une bonne épouse, murmura Amgigh ne s'adressant à personne, s'adressant à chacun, s'adressant aux esprits. Elle emporte une partie de mon âme dans la mer, avec elle.
    Oiseau Gris attendit deux jours. Il observa Amgigh, il l'observa passer du chagrin à la colère, puis au chagrin.
    Tôt le matin du troisième jour, Oiseau Gris s'arracha à son lit, à la stupéfaction de sa femme peu habituée à le voir se lever à pareille heure. Coquille Bleue, les cheveux emmêlés coupés court et les bras et les jambes striés des zébrures qu'elle s'était faites en signe de deuil, n'avait pas encore préparé la nourriture.
    — À manger, femme ! grogna Oiseau Gris.
    Il se nourrit rapidement puis lui dit :
    — J'ai pris un nouveau nom. Tu m'appelleras Waxtal.
    Coquille Bleue leva sur lui de grands yeux étonnés et attendit une explication. Mais pourquoi lui en donnerait-il? Avait-elle besoin de savoir? Les femmes étaient des bavardes qui murmuraient des secrets aux petits esprits tracassiers. Peut-être que, lorsque des marchands viendraient dans son ulaq, il leur raconterait l'histoire de sa fille, de son avidité, et comment il l'avait laissée vivre. Puis il raconterait comment les esprits de l'eau l'avaient prise. Et les marchands n'auraient besoin d'aucune explication. Ils sauraient pourquoi on l'appelait Waxtal. N'avait-il pas pitié de sa fille, en dépit de sa rapacité?
    Oiseau Gris se leva, enfila son parka et grimpa hors de l'ulaq. Amgigh était sur la plage, comme chaque matin depuis son retour de chez les Chasseurs de Baleines. Il était assis près de son ikyak, une vessie de lion de mer remplie d'huile de phoque sur les genoux, mais ses mains étaient immobiles. Seuls ses yeux se déplaçaient sur la surface de l'eau.
    Oiseau Gris s'assit de l'autre côté de l'ikyak d'Amgigh. Ce dernier leva enfin les yeux sur Oiseau Gris, secouant la tête comme pour s'éclaircir les idées, et demanda :
    — Qakan — il est parti commercer avec les Chasseurs de Morses?
    Oiseau Gris haussa les épaules :
    — Possible. Peut-être seulement avec les autres villages des Premiers Hommes.
    — Mon couteau a disparu, dit Amgigh. Tous mes couteaux.
    Oiseau Gris attendit, sans un mot.
    — Je crois que Qakan les a pris.
    Oiseau Gris haussa de nouveau les épaules.
    — Il avait un paquet de tes couteaux, trois à lames courtes, deux à lames longues.
    — Oui, je lui ai demandé de les troquer pour moi, mais mes couteaux ont tous disparu, ainsi qu'un couteau particulier en obsidienne, à longue lame. J'en avais fait deux, un pour Samig et un pour moi.
    — Si tu ne les lui as pas donnés, Qakan ne les aurait pas pris. Peut-être ta mère les a-t-elle mis dans un endroit spécial; ou Kiin, avant de mourir... Tu chasses, aujourd'hui ? s'enquit Oiseau Gris après s'être éclairci la gorge.
    — Peut-être. Si mon père désire chasser.
    — Je chasserai avec toi, sinon.
    — Peut-être, Oiseau Gris, je ne suis pas sûr...
    Oiseau Gris toussota et se racla de nouveau la
    gorge. ^
    — J'ai pris un nouveau nom.
    Amgigh le regarda, détachant pour la première fois son regard de la mer.
    — Afin d'honorer ma fille.
    — Tu ne l'as jamais honorée de son vivant, rétorqua Amgigh.
    Oiseau Gris perçut l'amertume de ces paroles.
    — Je l'ai laissée vivre. Je l'ai laissée prendre à son frère le pouvoir dont elle avait besoin pour sa vie. Maintenant, c'est un marchand au lieu d'un chasseur comme lui et moi l'aurions voulu.
    Amgigh rentra les épaules comme pour se protéger des paroles d'Oiseau Gris.
    — Quel est ton nouveau nom ? s'enquit-il.
    — Waxtal.
    Amgigh émit un grognement.
    — Tu es le premier à savoir, remarqua Oiseau

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