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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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en un motif triangulaire.
    L'homme parla. Une des femmes se mit à rire de si bon cœur que sa bouche dévoila des gencives complètement édentées. Elle tint son aiguille en l'air et l'autre femme se pencha en avant et mordit le fil de nerf. Elles roulèrent la couverture et l'homme les aida à se relever. Puis elles s'activèrent dans la grande pièce, sortant des cuirs de fourrure et des conteneurs remplis de racines et de viandes séchées, sans quitter Kiin des yeux et se chuchotant des mots à l'oreille. L'homme secoua la tête en riant, dit quelque chose à Kiin, sur quoi les deux vieilles femmes levèrent les yeux et se joignirent au rire.
    L'homme posa la main sur celle de Kiin.
    — Tu es en sécurité, ici, déclara-t-il dans la langue des Premiers Hommes.
    Bouche bée, Kiin le regarda quitter l'ulaq.
    Peu avant, Kiin avait craint qu'il ne l'emmène pour en faire son épouse, et voilà que, sans lui, elle se sentait bien seule. Elle était là, debout, le regard fixé sur le rabat de la porte, souhaitant son retour. Pourtant, elle finit par se tourner pour affronter les vieilles femmes.
    Elles étendaient un tapis de sol.
    — Assieds-toi, petite, dit celle qui avait des dents.
    Elle aussi s'exprimait dans la langue des Premiers
    Hommes.
    Les femmes gloussèrent comme des petites filles, puis 1 edentée expliqua :
    — Il y a longtemps, ma sœur et moi sommes nées chez les Premiers Hommes. Nous aussi, sommes venues autrefois comme épouses et nous aussi portions notre premier-né à notre arrivée.
    Kiin écarquilla les yeux et posa ses mains sur son ventre.
    — Ne sois pas surprise, reprit l'édentée. Ma sœur a un don de visions. Nous savions que tu viendrais, même si nous n'avons rien dit à personne.
    Elle tendit à Kiin un bol de bois rempli de viande séchée et de petites tranches de racines blanches.
    — Il est important que tu manges, ajouta-t-elle.
    Kiin prit le bol qu'elle tint devant elle. Comment
    le pouvait-elle si elles-mêmes ne mangeaient pas? Elles la trouveraient grossière. Mais une des femmes se pencha et, prenant un peu du mélange dans sa main, le pressa dans la bouche de Kiin. La nourriture était bonne, et Kiin avait faim, aussi commença-t-elle à manger sans regarder les femmes. La viande était riche, comme de la viande de baleine, mais elle avait en même temps un goût de phoque. Et la racine blanche était piquante et âcre, tranchant avec le suif de la viande.
    Les femmes s'approchèrent de Kiin tandis qu'elle se restaurait. Elle se demandait avec gêne si elle était censée partager la nourriture ; elle leur tendit le bol, mais elles refusèrent d'un signe de tête. Kiin remarqua qu'elles ne détachaient pas les yeux de son visage et, soudain, elle se rappela les histoires qu'elle entendait autrefois sur les femmes esprit dont la nourriture apportait la malédiction et même la mort.
    Mais non, se dit Kiin. Ces femmes étaient trop pleines de rire. Elles ressemblaient plus à des petites filles qu'à des vieillardes.
    Elle avala un autre morceau de viande. Oui, elle était bonne et riche, et la racine... Kiin n'était pas certaine d'en avoir déjà mangé, mais cela s'apparentait aux bulbes de pourpier. Encore une bouchée; elle était fatiguée. Peut-être, après avoir mangé, leur avouerait-elle combien elle avait besoin de dormir. Elles comprendraient quand elle leur expliquerait qu'elle n'avait pas dormi depuis deux jours.
    Kiin plongea les doigts dans la viande. La viande au fond du bol était-elle différente? Épaisse et gluante? Non, se dit Kiin. Tu es fatiguée. Tout semble bizarre quand on est fatigué. Encore une bouchée. Mais celle-ci... Cette bouchée était presque trop épaisse pour l'avaler.
    Les deux vieilles s'assirent et se remirent à travailler à leur couverture. Elles parlaient — dans la langue Morse? Kiin n'en était pas sûre. Leurs mots s'étiraient, lents et longs, comme si chaque syllabe était un fil suspendu d'un mur à l'autre.
    L'obscurité lui tirait le coin des yeux et Kiin avait l'impression de se retrouver dans l'ik qui tanguait au gré de la houle. Elle secoua la tête. J'ai passé trop de jours dans le bateau, songea-t-elle. Les vagues me font encore bouger.
    — Je-je suis fatiguée, dit-elle aux femmes.
    Elle luttait pour ne pas fermer les yeux. Mais les femmes la regardaient comme si elles ne parvenaient pas à la comprendre.
    Kiin chercha en elle la voix de son esprit. Elle lui dirait que faire. Mais son esprit ne lui

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