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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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de poisson, elle s'attendait à ce qu'un animal marin vienne sous l'ik et morde les trous afin de les noyer, elle et son frère.
    Pourtant, rien ne se produisit et, une fois que Kiin eut réparé toutes les coutures qu'elle pouvait atteindre, elle recommença à pagayer. Un bref moment, le brouillard se leva, mais bientôt le soleil se coucha et l'obscurité s'installa. Kiin entendait la respiration de Qakan, qui dominait même le bruit des rames et de la mer; il gémissait parfois, comme si sa peur parlait une langue en propre.
    Quand Kiin ne distingua plus rien, quand elle ne sut plus où diriger l'ik, un des Hommes Morses entonna un chant. Quelque chose à l'adresse des esprits marins, dit Qakan à Kiin. Dès lors, Kiin suivit le son de sa voix, l'obscurité et le froid se pressant sur ses yeux comme une fourrure humide.
    Ils accostèrent à l'aube, mangèrent, se reposèrent pour reprendre la route sans avoir dormi. Kiin avait l'impression que ses bras bougeaient uniquement parce qu'ils avaient pagayé si longtemps qu'ils ne savaient rien faire d'autre. Les muscles de ses bras et de son dos la brûlaient, des crampes nouaient ses cuisses. Elle ne parlait pas, mais Qakan geignait incessamment ; sa voix finit par ressembler au chant haut perché du vent. Kiin choisit de ne pas entendre.
    Ils longeaient de nouveau la terre; ne craignant plus les animaux marins, Kiin put concentrer son attention sur les rochers. La terre était plate, même si on distinguait des montagnes au loin. Kiin les aperçut quand le brouillard se dissipa — des nuages chapeautés de blanc au bord de l'horizon.
    Ils pagayèrent toute la journée jusqu'à ce que le soleil ne soit plus qu'une ombre rouge dans le ciel assombri. Kiin guetta les Hommes Morses pour voir s'ils s'arrêteraient de dormir. Comment réussirait-elle à pagayer une autre nuit? Comment pourrait-elle actionner ses bras ?
    À ce moment, l'homme à la cicatrice appela Qakan et désigna un rocher qui jaillissait du rivage. Qakan amena l'ik le long de celui des Hommes Morses et leur parla. Puis les Hommes Morses reprirent la tête, leur grand ik lourd glissant sur l'eau avec une agilité qui surprit Kiin.
    — Ils le conduisent comme un ikyak, remarqua-t-elle.
    — Ils sont trop bêtes pour fabriquer des ikyan, répliqua ce dernier.
    — Chaque t-tribu est différente.
    Qakan haussa les épaules.
    — Ils disent qu'il faut se méfier des rochers.
    Malgré la quasi-obscurité, Kiin distinguait de gros
    rochers sous les vagues, qui affleuraient parfois à la surface de l'eau. Des triangles déchiquetés de glace flottante, minces et facilement brisés par la pagaie, marquaient la venue de l'hiver. Les mers proches de l'île des Premiers Hommes ne gelaient pas, mais Qakan avait expliqué à Kiin qu'en cette saison la mer des Chasseurs de Morses se transformait en glace.
    — Ils disent que leur village est à la prochaine crique, s'écria Qakan.
    Quelque chose en Kiin se serra. Elle se mit à claquer des dents, mais elle garda les yeux posés sur l'eau, écartant l'ik des obstacles à l'aide de sa pagaie.
    Quand ils contournèrent la pointe, les rochers devinrent plus petits et plus plats. Levant les yeux, Kiin comprit qu'ils arrivaient à destination. Un frisson d'inquiétude lui donna des picotements dans les doigts. L'eau de la crique était gelée, mais la glace était mince, un chemin d'eau la traversait, qui menait à la plage.
    Alors, Kiin se rappela quelque chose qu'elle avait entendu voici bien longtemps, quelque chose que son père lui avait dit après un voyage de troc. Certaines tribus appelaient les Chasseurs de Morses les Chasseurs de Glace parce qu'en hiver ils chassaient à travers la glace. Kiin se tourna vers la plage, se demandant si ce peuple vivait dans des ulas; mais, dans l'obscurité croissante, elle ne distinguait que les braises rouges d'un feu sur la plage.
    — Les hommes se réunissent sur la plage, dit Qakan en désignant la flambée. C'est là que je négocierai. Presque tous auront le visage peint ; chez eux, c'est un signe de virilité. Ne pose aucune question au sujet des peintures et leur signification. C'est quelque chose de sacré entre eux et l'animal qu'ils chassent.
    — Où sont les femmes? demanda Kiin.
    — Elles se rassemblent chaque soir dans la maison longue.
    — Qu'est-ce que c'est, une maison longue?
    — Tu es sotte, Kiin, et tu poses trop de questions. Reste tranquille. Les Hommes Morses aiment les femmes

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