Madame de Montespan
étrangère, réquisitoire au terme duquel le roi de France réclame à son frère et cousin Charles II pratiquement tous les Pays-Bas espagnols ainsi que la moitié du Luxembourg et un bon tiers de la Franche-Comté !
Deux jours après avoir adressé au parlement les lettres de légitimation de sa fille, Mlle de Blois, après avoir donné à Turenne le commandement de l’armée d’invasion, le Roi quittait donc Saint-Germain pour les Flandres. Le Dauphin – six ans – était du voyage ! Une foudroyante campagne ! Bergues, Furnes se rendent au roi de France. Tournai, Courtrai, Douai, Oudenarde ne résisteront guère...
Pendant ce temps, à Versailles, Louise de La Vallière n’en peut plus. Il semble que tout s’éclaire à ses yeux ! Elle aurait été dupée par la Montespan ? Mais elle veut savoir. Alors elle prend une décision soudaine et désespérée : elle désobéit au Roi-Soleil et, sans être appelée, le 19 juin, elle monte dans son carrosse, direction Avesnes ! Où le Roi, qui a décidé d’interrompre les opérations pendant quelques jours, a fait mander à la Reine et à ses dames de venir.
Le lendemain, à La Fère – une petite cité qui avait, quelques décennies plus tôt, courageusement tenu tête au Béarnais – la Reine, qui jouait aux cartes avec Athénaïs, fut informée que l’équipage de la duchesse de La Vallière était en vue. À cette nouvelle, selon Mlle de Montpensier, Marie-Thérèse fut subitement atteinte d’une véritable crise d’hystérie, pleura, hurla et vomit tout son dîner ! Quant à Mme de Montespan, selon le même informateur, elle en profita pour verser de l’huile sur le feu, n’hésitant pas à accabler celle qu’elle voulait remplacer :
J’admire sa hardiesse de s’oser présenter devant la Reine, de venir avec cette diligence sans savoir si elle le trouvera bon ; assurément le Roi ne lui a pas demandé de venir !
Elle aurait même ajouté, selon la Grande Mademoiselle :
Dieu me garde bien d’être la maîtresse du Roi ! Si j’étais assez malheureuse pour cela, je n’aurais jamais l’effronterie de me présenter devant ma souveraine !
Mais la nuit suivante... Dieu ne la préserva pas ! Elle tomba dans les bras de Louis XIV.
L’affaire est pittoresque. Athénaïs partageait sa chambre avec Mme d’Heudicourt {15} Les deux jeunes femmes devisaient dans l’obscurité lorsque surgit un Suisse, un flambeau à la main. Elles se dressent sur leur lit, l’homme s’avance. Mais non, ce n’est pas un Suisse... c’est le Roi déguisé ! Mme d’Heudicourt, qui n’est point sotte et qui se doute bien que le pseudo-Suisse n’est pas venu pour elle, prend sa camisole et s’en va gentiment quérir une autre chambre.
Les jours suivants, à Avesnes, Louis et Athénaïs – qui ont sans doute apprécié leur première intimité – se rencontrent dans la chambre de Mme de Montausier. Mais parcourons plutôt les précieuses notes de Mlle de Montpensier : « Mme de Montespan avait accoutumé de demeurer dans sa chambre, qui était l’appartement de Mme de Montausier, proche de celle du Roi. On remarqua que l’on avait ôté une sentinelle, mise jusque-là dans un degré qui avait communication du logement du Roi à celui de Mme de Montausier et elle fut mise en bas pour empêcher que personne n’entrât par l’escalier. Le Roi demeurait dans sa chambre quasi toute la journée, qu’il fermait lui-même et nul ne voyait plus Mme de Montespan, elle ne venait point jouer aux cartes et ne suivait plus la Reine lorsqu’elle allait se promener. »
Un soir, au souper, raconte encore la curieuse Montpensier, « la Reine se plaignant de quoi on se couchait tard, se tourna de mon côté et me dit :
Le Roi ne s’est couché qu’à quatre heures. Il était grand jour. Je ne sais à quoi il peut s’amuser ?
Je lisais les dépêches et j’y faisais réponses, répliqua Louis XIV, en souriant, tournant la tête de mon côté pour que la Reine ne le vît pas.
« J’avais bien envie d’en faire autant, poursuit le témoin, mais je ne levais pas les yeux de dessus mon assiette. »
Mais ne pourriez-vous prendre une autre heure, soupira la délaissée.
La délaissée qui, manifestement, n’était pas aussi niaise qu’on pourrait le croire.
J’en sais plus qu’on ne croit, je suis sage et prudente et ne suis la dupe de personne, quoi qu’on en puisse imaginer.
Le 27 juin, Mars finissant bien par l’emporter sur
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